Avec le déconfinement, l’augmentation de la durée du travail est dans l’air du temps : déclarations du Medef, ballons d’essai de ministres ou députés… Les « ordonnances COVID-19 » permettent à certains secteurs de faire passer, jusqu’à la fin de l’année, la durée de travail hebdomadaire maximale de 48 à 60 heures, par décision unilatérale du patronat.
L’Institut Montaigne (1) vient de publier une note Rebondir face au COVID : l’enjeu du temps de travail, avec plusieurs propositions : déroger au repos journalier minimal de 11h, supprimer des jours de congés, former les salariés hors du temps de travail… et surtout étendre les « accords de performance collective » autorisés par la réforme du Code du Travail de 2017, qui, sur la base d’accords d’entreprise, « permettent de diminuer le temps de travail avec perte de rémunération ou au contraire d’accroître le temps de travail sans augmentation proportionnelle des rémunérations ». Cherchez l’erreur…
En 2014 déjà, l’Institut, dans une note plus détaillée, Temps de travail : mettre fin aux blocages, assenait le diagnostic d’un temps de travail des salariés français à temps plein inférieur à celui de tous les pays européens, avec à la clé une croissance et une compétitivité plus faibles… et un taux de chômage plus élevé !
Porter le fer dans la fonction publique
Aujourd’hui Bertrand Martinot, l’auteur de la note, reconnaît que le dispositif législatif français permet encore plus de flexibilité avec la loi El Khomri de 2016 et les ordonnances Macron de 2017. Alors pourquoi vouloir encore « assouplir quelques verrous juridiques persistants » D’abord, pour continuer à faire pression sur les coûts salariaux. Ensuite, pour porter le fer, au nom de l’« équité », dans la fonction publique. Enfin, parce qu’il faut maintenant faire sauter le seuil de majoration des heures supplémentaires. D’où les deux scénarios avancés en 2014 – progressif, poursuivre les négociations d’entreprise dans cette direction, ou volontariste, la « durée légale du travail serait supprimée et seuls seraient conservés les seuils plafonds tels que déterminés par les textes européens », avec possibilité d’une « décision unilatérale du chef d’entreprise ». Si les formulations actuelles sont plus prudentes, la ligne d’horizon est la même. Elle est fondée sur un diagnostic des causes du chômage qui montre son inanité depuis 30 ans : à court terme, la baisse du coût du travail inciterait les entreprises à créer des emplois ; à long terme, « mobiliser les facteurs de production », avec une flexibilisation maximale, élèverait la « croissance potentielle ». Cela sans se préoccuper de la demande globale ni de la qualité de cette production accrue. Or, l’après-COVID, risque de voir une aggravation dramatique du chômage, qu’une augmentation de la durée du travail ne pourrait qu’accentuer.
Stéphanie Treillet, économiste atterrée
1 – Think tank néolibéral, influent (et repris dans les grands médias), dont le comité directeur est composé notamment de grands patrons.
Numéro 152 – Juin 2020
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