L’économiste (atterré) Henry Sterdyniak décrypte le budget 2024 du gouvernement, avec de nouveau des économies sur le dos des personnes déjà en difficulté.
La France connait actuellement une croissance médiocre (0,9 % en 2023, 0,8 % prévu pour 2024) ; la consommation des ménages se réduit du fait de la forte inflation ; l’investissement des entreprises et des ménages est bridé par la hausse des taux d’intérêt décidée par la BCE, dont l’objectif explicite est de plonger la zone euro dans la dépression pour réduire l’inflation. Aussi, le risque est-il grand que le taux de chômage remonte en 2024. Pourtant, le budget 2024 ne se donne pas comme objectif de soutenir la croissance.
Le gouvernement s’est fixé trois objectifs inconciliables. Il s’est engagé vis-à-vis de l’Europe et des agences de notation à réduire le déficit et la dette publics. Il refuse toute hausse d’impôts, sa stratégie étant d’améliorer l’attractivité de la France pour les grandes entreprises et les ménages les plus riches ; il refuse de réduire les coûteuses et nombreuses aides aux entreprises (exonérations de cotisations sociales, crédit impôt recherche, etc.). Enfin, la baisse des dépenses publiques, qu’il envisageait, s’avère difficile à mettre en œuvre : la transition écologique demande des investissements importants ; les dépenses régaliennes (armée, justice, police) doivent être augmentées ; baisser les dépenses publiques dont bénéficient les ménages (santé, éducation) se heurte aux souhaits de la population d’avoir des services publics satisfaisants ; améliorer l’attractivité des métiers de ces services est impératif.
15 heures d’activité contrôlées
Selon le budget, le déficit public se réduirait de 4,9 % du PIB en 2023 à 4,4 % en 2024, grâce à la fin des mesures de soutien de la crise Covid, mais aussi aux pertes de pouvoir d’achat des fonctionnaires, retraités et familles. Le gouvernement fait des économies sur le dos des personnes en difficulté : les chômeurs les plus précaires, les bénéficiaires du RSA menacés de perdre leur allocation s’ils n’effectuent pas 15 heures d’activité contrôlées par semaine. Le budget a cependant deux points positifs : renonçant à l’objectif de réduire les emplois publics, il en annonce une hausse de 8 300. Surtout, il esquisse le tournant vers la transition écologique et la réindustrialisation verte.
Mais, au vu de l’urgence, les mesures restent timides, que ce soit en matière de rénovation de logements, de changement des modes de transport, de réindustrialisation ; elles ne s’inscrivent pas dans une stratégie forte assumée. Par ailleurs, la transition écologique doit être financée ; cela nécessiterait des hausses de taxes sur les énergies fossiles et d’impôts sur les grandes entreprises, les revenus et les patrimoines des ménages les plus riches.
Henry Sterdyniak, Économiste atterré