Retour à Montlahuc, dans la Drôme, où nous avions rencontré les merveilles du castor. Marco Forconi nous explique ses expériences de « paysages régénératifs ».
À l’occasion d’un reportage sur les castors, ramenant dans leur sillon moult libellules, oiseaux migrateurs, espèces végétales protégées et hydratation des nappes (L’âdf n° 193), nous avions rencontré Marco Forconi au Gaec de Montlahuc, dans la Drôme. Familier de l’agro-écologie depuis ses études d’ingénieur, aujourd’hui accompagné de quelques chercheurs comme Hervé Covès ou Baptiste Morizot, ainsi que de proches qui expérimentent l’hydrologie régénérative, Marco s’essaye depuis une dizaine d’années à façonner et réhydrater le vaste terrain de jeu que constituent les 1 400 hectares du domaine, où six associés pratiquent notamment l’élevage permacole avec brebis, vaches et chevaux.
Hydrologie paysagère
« L’Inra regrette un peu de ne pas nous avoir suivis au début, mais le FIBL* étudie avec nous le parasitisme. » La démarche de Marco est plutôt empirique. Même s’il n’a pas de chiffres, il observe et constate le retour de beaucoup d’espèces végétales et animales, comme le bousier, important dans les cycles de matière organique. Ce qui compte pour lui est de travailler avec la nature plutôt que contre et il préfère parler de « paysages régénératifs », plutôt que seulement d’hydrologie. « Dans les haies que l’on plante, on peut jouer sur d’autres facteurs que le cycle de l’eau, attirer des pollinisateurs, gagner du temps sur les clôtures, agir sur des problématiques de faune et de dégâts de gibier, qui pourtant disséminent aussi des graines… » Parmi ses conseils : observer quelles plantes poussent bien dans son jardin, pour les propager. Et garder à l’esprit que la nature change parfois à d’autres échelles de temps que celle d’une vie humaine.
Champignons à la rescousse
Outre des baissières (lire p. 8), qui ralentissent le ruissellement de la pluie pour imbiber la terre, ou la plantation de haies pour retenir la brume, Marco amende ses sols avec du BRF enrichi en endomycorhizes, un certain type de champignons. « La meilleure façon de stocker l’eau, c’est le sol. On les a dégradés par le labour et les traitements chimiques, alors que la matière organique fait éponge », explique-t-il. L’interaction du bois mort, humide, et de champignons qui font circuler l’eau – pour résumer – maintient l’hydratation des sols. Ces derniers manquant aujourd’hui cruellement des micro-organismes que les oiseaux migrateurs, notamment, apportaient, Marco me parle du travail du chercheur Hervé Covès, qui lui, pratique l’inoculum : il apporte aux jeunes arbres un peu d’humus récolté au pied des vieux…
Ce printemps pluvieux favorise l’implantation des arbres que Marco continue d’ajouter sur son terrain. Ce sont principalement des feuillus, dont l’aire de répartition tend à se résorber pour se cantonner autour des cours d’eau, ainsi que des espèces de sous-bois comme le houx, le buis, le lierre, qui condensent l’eau et la restituent au sol.
LA
* Institut de recherche en agriculture biologique, implanté en France, Suisse, Allemagne, Autriche et Hongrie.
SOMMAIRE COMPLET DU DOSSIER
- « S’adapter et régénérer, ça n’a rien à voir ! »
- Faire avec plutôt que contre la nature
- Slovaquie : le « nouveau paradigme de l’eau » en pratique
- « Renaturation », après la politique de la terre drainée, le retour aux sources ?
- Activer le « fluvio-sensible » pour défendre les rivières
- Les gouttes d’art font les grandes luttes