Par Benjamin Coriat, économiste atterré
A l’heure où sont écrites ces lignes, une solution – enfin – semble se dessiner pour la Grèce. Mais à quel prix ?
Quelles que soient les dispositions finales de l’accord – si un accord est bien négocié – un enseignement majeur peut d’ores et déjà être tiré. Il tient en une proposition simple : l’Union Européenne n’a rien appris ! L’observation du comportement des représentants de l’Union (et de la Banque centrale européenne, BCE) ne laisse en effet aucun doute. Pendant des mois, depuis l’élection de Tsipras, l’Union s’est arcboutée sur une position unique : toujours plus ! Toujours plus de coupures budgétaires, toujours plus de coupures dans les retraites, mêmes les plus modestes, toujours plus d’impôts sur les médicaments, l’eau, l’électricité, les produits de base. Bref, l’Union ressemble comme une sœur jumelle à la Troïka (BCE, FMI et Commission européenne) dont elle a pris la suite. Le fait que 5 ans de régime de la Troïka ait conduit à un pur désastre (-25 % de PIB, un chômage de 60 % chez les jeunes, des écoles et des hôpitaux fermés ou privés de ressources), n’a en rien intéressé l’Union. D’emblée, de la manière la plus obstinée, elle s’est glissée dans les bottes de la Troïka pour tenter d’imposer la poursuite à l’identique d’un régime économiquement absurde et humainement mortifère
Merci aux négociateurs grecs
Si finalement, l’accord négocié s’écarte de cette logique, en comprenant des dispositions permettant des mesures d’urgence en faveur des plus pauvres, la relance des investissements (par déblocage total ou partiel des milliards d’euro destinés à renflouer les banques grecques en cas de crise grave, jusqu’ici gelés par Bruxelles …) et enfin un engagement à renégocier la dette d’ensemble, si donc tout cela est mis en œuvre, c’est entièrement et uniquement à Syriza qu’on le devra. Les négociateurs grecs en effet ne se sont pas laissés intimider par une campagne à leur encontre d’une rare violence (« amateurs », « irresponsables », a dit Mme Lagarde, alors que sous son ministère, la dette française a gonflé de 600 milliards d’euros). A contre courant, les représentants Grecs ont expliqué et défendu la nécessité de sortir des logiques passées pour s’engager dans une voie nouvelle. Tsipras, Varoufakis,… et les autres ont tout fait pour redonner une chance à leur pays et, au-delà, aux autres pays, qui aujourd’hui en Europe sont encore sous le joug des plans de la Troïka. Pour cela, tous, nous devons remercier les négociateurs Grecs.
D’un point de vue pratique, nous verrons bien quel hybride va surgir de l’affrontement en cours, où encore une fois la sagesse est du côté de David. Si le compromis finalement obtenu s’avère vivable, si la Grèce recommence à respirer, tout le mérite en reviendra à Syriza. Sinon, la Grèce se fracassera, et l’Union, qui n’a rien voulu voir et rien voulu comprendre, en subira par contrecoup, un choc dont nul ne peut prévoir la violence.