Dans ce quartier de Grenoble qui peine à s’émanciper de sa mauvaise réputation, un groupe de percussions répète 20 heures par semaine. Les parents, grands frères et grandes sœurs motivent les jeunes… et surveillent que les notes suivent à l’école. Reportage. Flore Viénot.
Une utopie qui faisait peur
La Villeneuve est un quartier où les Grenoblois du centre ville ne se rendent pas. Et sa mauvaise réputation n’est pas nouvelle : dès sa construction dans les années 1970, « l’expérience utopique » qui voulait rendre réelles la mixité sociale et la mixité culturelle faisait déjà peur, « les taxis osaient à peine s’y rendre ! », se souvient une habitante, enfant à l’époque. Le projet BatukaVi vient donc, lui aussi, de loin, des principes fondateurs d’où sont nés les murs de l’utopie de la Villeneuve, construite autour des neuf écoles appelées les « maisons », et qui étaient des espaces partagés par les enfants, les parents, les enseignants et les militants. Des sortes de cellules familiales élargies, donc, où les élèves bénéficiaient d’un enseignement adapté à chacun. « Ce qu’on vit dans la BatukaVi, ça ne s’éloigne pas beaucoup de ce qu’on avait vécu au sein de l’éducation nationale à l’époque », explique Willy, qui a vu naître le quartier quand ses parents sont venus s’y installer, alors qu’il était tout petit. « On veut faire profiter à nos enfants des belles choses qu’on a vécues ici », et qui peuvent exister encore, adaptées au contexte actuel.
Unique en son genre, le projet BatukaVi, né en 2010 de ce mélange d’origines, est une école de la vie. « Il fait trop froid Willy ! J’ai les doigts gelés ! Je peux plus jouer… » Dans les Alpes, à la station de ski de l’Alpes d’Huez, 25 jeunes en combinaison frappent sur leurs instruments et secouent leurs percussions dans le froid de l’altitude. Amin joue de l’agogo, la cloche nécessaire à une bonne session batuc’, et alors qu’il voudrait s’arrêter, Willy lui rappelle qu’il appartient à un groupe, et que sans lui et son instrument, le plaisir donné aux spectateurs n’y sera plus. Amin finit par reprendre sa cloche et rejoindre le groupe. « La BatukaVi, c’est aussi l’apprentissage du travail, de la souffrance parfois, et de l’effort surtout. On apprend que, des choses difficiles, naissent des choses positives ; alors que de la facilité, ne nait souvent pas grand chose », insiste Willy. « Ça a déjà pu me traverser l’esprit de lâcher la Batuc’, avoue Imane, l’ado référente. C’est exigeant, fatigant, stressant des fois. Mais je vois plus loin, parce qu’on mène des projets sur le long terme, et je m’y suis engagée. »
Parents et enfants signent une charte
Dans la fraicheur des 3 000 mètres de l’altitude alpine, lors de la Batuka’Ski, ou la chaleur des 40 degrés brésiliens de la Batuka’Rio, les 80 jeunes jouent, malgré tout. Parce que s’ils sont là, c’est qu’ils se sont engagés à aller jusqu’au bout. Avant d’intégrer la famille, chacun doit certifier qu’il adhère aux règles et grandes valeurs de la BatukaVi que sont le « travail », le « plaisir » et « l’engagement », en signant une Charte intégrant les parents qui doivent également adhérer et signer le contrat. Et si les parents sont partie prenante de cette aventure, ce n’est pas seulement parce que