La nouvelle réforme de l’indemnisation chômage constitue une rupture radicale avec le système d’assurance sociale paritaire créé en 1958. L’État en a pris le contrôle et décide de tout, sans tenir compte de l’avis des syndicats.
La réforme aura des effets sur une grande proportion des allocataires : 1,15 million sur les 2,8 millions de nouveaux indemnisés seront touchés la première année par la réforme du calcul du salaire journalier de référence (SJR), soit 40 % des allocataires ; près de 500 000 chômeurs ne se verront pas ouvrir de droit en raison du passage de la durée minimale d’affiliation de 4 à 6 mois ; ceux qui ont eu un salaire net supérieur à 3 500 euros subiront une dégressivité de leur allocation.
Tous ceux qui auront des périodes d’emploi non contiguës verront leur SJR diminuer. Cette baisse pourra atteindre 43 %, le seuil plancher fixé par le décret du 30 mars 2021, censé corriger le décret de 2019 censuré par le Conseil d’État qui avait jugé que la réforme instituait « une différence de traitement manifestement disproportionnée » selon la répartition des périodes d’emploi. Le nouveau mode de calcul se base sur la moyenne des salaires perçus entre le premier et le dernier jour d’emploi dans les 24 derniers mois. Ainsi, si la période de référence inclut des périodes non travaillées (chômage, congés maladie-maternité, activité partielle), le SJR sera fortement réduit comparé à la situation actuelle.
Diminution drastique des allocations
L’indemnité journalière représente entre 57 et 75 % du SJR. Dans le cas d’un salarié au Smic qui aurait travaillé 1 mois à temps plein, puis aurait eu 16 mois de chômage, puis aurait travaillé de nouveau 7 mois à temps plein, son allocation ne s’élèverait qu’à 650 euros, contre 985 euros aujourd’hui. Malgré le rafistolage (introduire un plancher à 43 % de la baisse de SJR), il est probable que le Conseil d’État retoque une nouvelle fois ce mode de calcul. En attendant, beaucoup de chômeurs se retrouveront avec une allocation extrêmement faible. Les 40 % d’allocataires qui cumulent leur indemnisation avec une activité réduite verront leur allocation diminuer drastiquement ou disparaître, puisque le cumul de l’allocation et de la rémunération d’activité ne peut excéder le montant mensuel du SJR. Si ce dernier diminue, nombre d’allocataires dépasseront ce seuil.
Cette réforme marque un tournant du système d’assurance chômage. Le gouvernement veut rendre plus difficile l’accès à l’indemnisation chômage et en diminuer sévèrement le montant. Le risque est grand qu’il en fasse progressivement une allocation forfaitaire de bas niveau.
Sabina Issehnane, économiste atterrée