Ne voulant pas froisser les chasseurs, le gouvernement n’a pas voulu interdire la chasse le dimanche. À la place, il a présenté une fausse solution : une appli sur smartphone…
S’il avait voulu paraphraser Clemenceau, Macron aurait pu affirmer : « Si vous voulez enterrer un problème, mettez en place un numéro vert. » Ses différents gouvernements en ont créés par poignées. Vous êtes chef d’entreprise en souffrance, vous êtes une femme violentée, vous êtes un étudiant en situation d’extrême précarité ? Pour chacune de ces situations existe un numéro vert.
Les problèmes demeurent, mais au moins vous pouvez expliquer à un inconnu que vous crevez la dalle… Du coup, Jupiter a commencé à comprendre que sa technique se voyait comme le nez au milieu de la figure. « Ras-le-bol des numéros verts dans tous les sens ! », a-t-il déclaré, avouant même que « ça ne marche pas ». C’était le 4 janvier.
Cinq jours plus tard, le gouvernement annonçait son « plan sécurité à la chasse ». Sur la saison 2021-2022, 90 accidents ont été recensés, dont 8 mortels. Les Français·es réclament de vraies mesures. Ainsi, l’instauration de dimanches sans chasse était plébiscitée par 78 % des sondé·es*. Mais de ça, le chef de l’État, qui a toujours caressé le chasseur dans le sens du poil, ne veut pas.
ORDIPHONE OBLIGATOIRE
POUR ALLER EN FORÊT ?
Le gouvernement a donc sorti de sa manche, non pas un numéro vert, mais une application ! Le principe : les chasseurs se géolocalisent lorsqu’ils partent à la guerre et, ainsi, les promeneurs peuvent (doivent) prévoir leur parcours en fonction.
Premier problème : avec ce système, ce sont les promeneurs qui doivent s’adapter aux chasseurs, et non l’inverse. Deuxièmement, n’étant obligatoire pour personne (et heureusement !), l’utilisation de cette application peut avoir des effets pervers. Exemple : un promeneur constate sur son ordiphone qu’il n’y a aucun chasseur dans sa zone. Il ne prend donc pas de précaution, ne s’habille pas en fluo et se permet de sortir des sentiers battus. Un vrai promeneur, en somme. Sauf qu’il y a bien un chasseur, qui n’a pas pensé utile de se signaler, ou se trouve dans une zone sans réseau. Alors, quand ce dernier croit distinguer une ombre ressemblant vaguement à l’ombre d’un sanglier, il tire…
Et puis, cette mesure obligerait encore insidieusement la population à s’équiper d’ordiphone. Car si les chasseurs sont censés se géolocaliser, les promeneurs, eux, devraient consulter leur bidule pour savoir où se trouvent les fusils. « Il faut essayer de prévoir son itinéraire en amont, dans la voiture », conseille le ministère de la Transition.
Après l’appartement (lire notre précédente chronique), voilà qu’il faudrait aussi avoir un smartphone pour aller se promener en forêt ! Ou même profiter de son jardin : le 2 janvier 2020, Morgan Keane, 25 ans, a été tué par un chasseur alors qu’il coupait du bois sur son terrain, à 100 mètres de sa maison. S’il avait pu consulter l’appli gouvernementale, aurait-il dû rester cloîtré chez lui ?
Nicolas Bérard
*Ifop