Le mois de mai a été marqué – pas suffisamment, peut-être – par les élections européennes. Et, comme à chaque fois, par une grande campagne menée sur la nécessité que chaque électeur prenne part au scrutin. Il y a quelque chose de dérangeant dans ce rituel matraquage médiatique : l’impression que, quelque part, le seul « devoir citoyen » consiste à choisir ses représentants, de leur confier les clés de sa commune, son département, sa région, son pays ou de l’Union européenne, et d’attendre la prochaine élection pour le sanctionner ou le reconduire dans ses fonctions. C’est omettre, d’abord, que des citoyens « issus de la société civile », selon l’expression consacrée, peuvent aussi présenter leur candidature. Mais, surtout, que l’action citoyenne est loin de s’arrêter au fait de glisser des bulletins dans des urnes.
Dans ce numéro, nous faisons par exemple un point sur la situation des OGM en France. La question est loin d’être réglée. N’empêche : à l’heure actuelle, aucune culture transgénique n’est autorisée dans le pays. Pourquoi ? Parce que des citoyens – notamment les Faucheurs volontaires – se sont levés pour faire rempart à ce qu’il considère être une « agriculture mortifère ». Ils ont tout simplement – comme le rappelle José Bové dans la préface de Comment nous résistons à Monsanto – dit « Non » à quelque chose qu’ils ne voulaient pas. Pour cela, ils ont pris le risque de pratiquer la désobéissance civique.
Avec des procédés différents, une association antillaise a obtenu la suspension de l’arrêté ministériel autorisant, de façon très large, les épandages aériens. A l’heure où nous écrivons ces lignes, plus aucun épandage n’est autorisé, pas plus dans l’outre-mer que dans l’Hexagone. Encore une fois, ce sont des citoyens qui se sont levés pour dire « Non ». Pour cela, les membres de l’Asfa (association pour la sauvegarde de la faune aux Antilles) ont accepté de consacrer de leur temps et de prendre des risques financiers pour mener un combat juridique. Mais, comme l’explique Béatrice Ibéné, la présidente de l’association, ces risques en valaient la peine : « On avait acquis une telle connaissance du danger sanitaire que représente cette pratique… Nous ne pouvions pas faire autrement que d’aller jusqu’au bout de notre démarche, pour en faire profiter l’ensemble de la population. »
En Bretagne, une association s’est émue de la situation d’agriculteurs… palestiniens. Peu importe la distance géographique entre les uns et les autres : une solidarité s’est installée entre des citoyens bretons et des citoyens palestiniens, des solutions ont été avancées, de l’énergie a été dépensée, des fonds ont été récoltés, et une entreprise a pu être lancée pour tenter de résoudre le problème de ces agriculteurs. Dans tous les cas, une constante : la conscience d’un destin commun entre citoyens français et entre citoyens du monde.
Se cacher dans un isoloir pour voter, c’est bien. Mais, à l’image de ces militants, cela ne doit pas faire oublier que la nécessité de s’exprimer, chaque jour, à travers des paroles ou des actes, est aussi un devoir citoyen. Les initiatives de ce type, que L’âge de faire a toujours autant de plaisir à relayer, sont très nombreuses… Et constituent autant de bonnes raisons d’espérer !
Nicolas Bérard