On sait pourquoi Bayer-Monsanto est un problème, à la fois vendeur de poisons et de médicaments. Ce fossoyeur de l’agriculture paysanne a fait converger contre lui toutes les tendances de l’écologie de rupture, dans le cadre des Soulèvements de la terre, à Lyon, le 5 mars Nous y étions.
Caroline est « déçue ». Avec sa copine Mariusse, elle est venue de Marseille pour « assiéger Bayer-Monsanto » à l’appel du mouvement des Soulèvements de la terre. Nous sommes le samedi 5 mars au point de rassemblement, place Valmy, à Lyon. Il fait froid, il fait beau. D’habitude, il faut moins de 10 minutes à pied depuis la place pour se rendre au 16, rue Jean-Marie Leclair, adresse du siège social français de la firme agrochimique. Mais aujourd’hui, Google maps indique des « ralentissements ». Ce ne sont pas des bouchons ou des “gendarmes couchés” qui gênent l’accès au site, mais des policiers debout, avec tout leur attirail, canon à eau compris. Des CRS discrets, mais très nombreux : la préfecture a mis le paquet, on ne touche pas aux bureaux de Bayer-Monsanto.
Il faut dire que la veille, « on » avait « touché » à l’usine de fabrication de pesticides de Genay, en banlieue de Lyon, « paralysé[é] pendant plusieurs heures par des Faucheurs volontaires qui s’y étaient introduits en découpant le grillage pendant que 80 autres bloquaient l’entrée du site », d’après les organisateurs.
Et le matin même, c’est à Villefranche-sur-Saône, au nord de Lyon, que Bayer a reçu, contre son gré, la visite des « Souleveurs » de la terre. Malgré l’arrêté préfectoral et le déploiement policier, la firme a préféré stopper l’activité de l’usine. Sûrement une goutte de production de poison stoppée parmi les 35 000 tonnes de pesticides produits sur le site chaque année. Mais une goutte reste une goutte, et un symbole, un symbole. Alors cet après-midi, la préfecture a mis le paquet. On prend au sérieux ce mouvement, composé de paysans de la Conf’ (on les connaît, ils aiment bien les « démontages » et ils ont des tracteurs), de Faucheurs volontaires, d’anarchistes autonomes (leur nom seul fait trembler la moindre matraque), de « radicaux » de la génération climat (Extinction rebellion, Youth for climate…). Les manifestants ne passeront pas, pas cette fois. Caroline est déçue, mais nous sommes tout de même plus de 2 000 selon les organisateurs, près de 1 500 selon la préfecture, 1 882, environ, selon moi. Et quand le cortège de la manifestation s’élance sur le parcours autorisé (à l’opposé du siège de Bayer), il fait plaisir à voir.
Plongez-vous dans l’ambiance sonore !
Gilets jaunes et « sorcières véner »
Devant, les « antifa » et leur fameux « Siamo tutti antifascisti! ». Ils sont massés derrière la banderole de tête : « Démonte Bayer, retourne Monsanto, soulève la terre ». Suivent, dans le désordre, une chorale, une banderole d’Extinction rebellion, trois clowns dans la foule, des gens qui dansent sur de la musique enregistrée qui n’est pas chantée par HK et les Saltimbanks, un collectif venu de Haute-Loire contre un aménagement autoroutier, des Lillois en tenue de protection contre les pesticides, Lounès, « gilet jaune », l’écharpe tricolore (la seule ?) de la députée insoumise Mathilde Panot, des enfants qui marchent et d’autres qui roupillent dans des poussettes – cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu ça en manif ! – des jeunes cagoulés qui écrivent des slogans sur les vitrines des banques, la « fanfare à manif » de Briançon, des « sorcières véner » d’après la pancarte, de nombreux drapeaux jaunes de la Confédération paysanne, une sono avec HK et les Saltimbanks, mais pas que, et j’en oublie. Le tout sur un demi-kilomètre. « Chacun a ses modes d’action. Chacun se sent respecté », me dit un jeune, un peu esseulé, tenant un drapeau de l’Union communiste libertaire, organisation pas historiquement présente dans les manifs environnementales… Mais qui trouve ici toute sa place, selon lui. « Bayer, c’est le symbole d’un désastre environnemental et agricole lié au système économique, pas au comportement individuel d’untel ou d’untel. »
Fin de manif : « Il est l’heure de protéger ce que Bayer-Monsanto n’a pas encore détruit et de soigner ce qui peut l’être. Il est temps de laisser place à l’agroécologie et aux communs, contre l’accaparement des terres par l’agriculture industrielle. », indiquent les Soulèvements de la terre. Rendez-vous est pris le 26 mars à La Rochénard (Deux-Sèvres) « pour mettre un coup d’arrêt aux projets de “méga-bassines”».
Fabien Ginisty