En introduisant le maïs hybride en France depuis la Libération et toute la chimie qui va avec, une poignée de firmes semencières ont fait leur beurre sur le dos des paysans. Comment en est-on arrivé là ? Petite histoire de la privatisation des graines et du traficotage du vivant. La preuve par l’épi.
Ça commence toujours comme ça. Avec des Européens qui envahissent un continent et trucident les autochtones. Avant la « découverte » de l’Amérique en 1492, les Indiens cultivaient pépère le maïs et le reste. Ils pratiquaient la culture dite des « trois sœurs », c’est-à-dire la culture conjointe, sur une même terre, du maïs, de la courge et du haricot grimpant. C’était rudement bien pensé : le sol était couvert par le feuillage de la courge, le haricot fixait l’azote dans le sol et le maïs servait de tuteur aux haricots. N’en déplaise aux vieux agriculteurs qui ont toujours connu les engrais et les semences de l’après-guerre : la permaculture ne date pas d’hier !
Mais alors, comment le maïs, cette plante vénérée par les Amérindiens, est devenue la première plante cultivée dans le monde et le symbole de l’agriculture industrielle, de la modernisation agricole et des pesticides imposés par les multinationales ?
Il suffit de lorgner dans le rétroviseur pour tomber sur un certain Henry A. Wallace… Inconnu au bataillon, me direz-vous. Et pourtant, ce fils d’un riche fermier de l’Iowa a été secrétaire d’État à l’agriculture des États-Unis sous Roosevelt entre 1933 et 1940. Durant son mandat, il met le paquet dans la recherche sur les semences de maïs hybrides F1. Pourquoi donc ? Quelques années auparavant, le même Wallace avait créé l’Hybrid Corn Company qui deviendra Pioneer en 1935, l’un des plus grands semenciers au monde…
Comme la permaculture, les conflits d’intérêt existent depuis belle lurette. Imaginez aujourd’hui : c’est un peu comme si Emmanuel Macron embauchait dans son gouvernement la DRH de Danone pour dézinguer le code du travail… Impensable.
Les hybrides F1 : à toute berzingue vers le rien
Imaginez encore : à cette même époque, des êtres humains ont l’idée d’autoféconder en laboratoire deux variétés pures de maïs, puis de les croiser ensemble. Ils se rendent compte que les rendements sont bien meilleurs. Les épis sont tous les mêmes. Mais comme le maïs n’est pas stabilisé, il dégénère et ne peut pas être replanté l’année d’après. Pour faire simple : c’est l’exemple du mulet, engendré par un âne et une jument. Les graines sont stériles. Tout bénéf pour les entreprises qui peuvent revendre des semences tous les ans aux paysans. L’hybride F1 est né. Ou comment transformer le vivant en néant.