L’économiste David Cayla nous rappelle pourquoi la réforme des retraites envisagée par le gouvernement est particulièrement injuste.
Le projet de réforme des retraites est conforme à ce qui avait été envisagé dès le mois de décembre. Après un faux suspense, la droite LR et la droite Renaissance se sont retrouvées pour réduire les droits du monde du travail. Concrètement, l’objectif de la réforme est de réaliser 17,7 milliards d’économies par an à l’horizon 2030. Pour cela, le gouvernement entend passer l’âge minimum de la retraite à 64 ans, atteint en 2031, et augmenter à 43 ans la durée de cotisation minimale pour bénéficier d’une retraite à taux plein, cela dès 2027.
Ce qui est surprenant, c’est l’insistance avec laquelle Élisabeth Borne a répété, lors de sa conférence de presse du 10 janvier, le caractère « juste » de sa réforme. À en croire la communication du gouvernement, les mesures d’accompagnement proposées pour en atténuer les effets les plus néfastes seraient des « progrès » sociaux. La réalité est tout autre.
Les femmes encore perdantes
D’abord, le fait même de faire porter exclusivement ces économies sur les 30 millions d’actifs (ce qui représente un prélèvement moyen de 590 euros par an) est, en soi, parfaitement injuste. Au même moment, la loi de finances 2023 prévoit la suppression, à terme, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui rapporte 8 milliards par an aux collectivités locales. Peut-on vraiment affirmer que la réduction systématique de la fiscalité des entreprises, combinée à la baisse tout aussi systématique des droits des salariés (assurance chômage, retraite…) relève d’une quelconque justice ?
En second lieu, parmi toutes les mesures d’économie possibles, la mesure d’âge est, de loin, la plus injuste. En dépit des mesures compensatoires, la réforme contraint ceux qui ont commencé à travailler tôt, de 16 à 20 ans, à cotiser de 44 ans à 45 ans pour avoir le droit de prendre leur retraite, et cela sans pour autant bénéficier d’une surcote comme c’est le cas aujourd’hui. À l’inverse, les personnes qui sont entrées plus tard sur le marché du travail, souvent parce qu’elles ont fait des études, sont peu touchées par la réforme car elles devaient déjà prendre leur retraite après 64 ans pour bénéficier d’une carrière complète. Elles pourront donc ne cotiser que 43 ans. Le gouvernement refuse de réintégrer dans les critères de pénibilité pour bénéficier d’une retraite anticipée, ceux supprimés en 2017. Ajoutons que les femmes sont particulièrement perdantes lorsqu’elles ont eu des enfants et qu’elles ont dû interrompre leur carrière.
Cette réforme est donc doublement injuste. Elle s’attaque aux actifs en épargnant le capital, et parmi les actifs ce sont les classes populaires, les femmes, ceux qui ont travaillé tôt, qui seront les plus grands perdants.
David Cayla, Économiste atterré