Les départements d’Outre-Mer sont-ils en moyenne plus pauvres que les départements de France métropolitaine ? La réponse à cette question, simple en apparence, est en fait loin d’être aisée : sur le site de l’Insee, l’information est difficile à trouver et parfois à comprendre.
L’Insee calcule le « taux de pauvreté » à partir d’un seuil qui correspond à 60 % du revenu médian national et qui varie selon la situation familiale. Par exemple, en 2016 (dernière année pour laquelle les statistiques sont consolidées), ce seuil est de 11 094 euros annuels pour une personne célibataire, et 14 % de la population française se situe sous le seuil de pauvreté.
Une statistique de la pauvreté à deux vitesses ?
Mais qu’en est-il en Outre-Mer ? Concentrons-nous en particulier sur les départements et régions d’Outre-Mer (DROM) (1). Pour ces cinq territoires, il y a deux cas de figure. En ce qui concerne la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte, les derniers chiffres disponibles datent de 2011. Or, ces chiffres sont calculés à partir du revenu médian local et non national, ce qui donne lieu à des taux de pauvreté bien plus faibles (puisque le revenu médian local est inférieur à celui de la métropole). Cette méthode de calcul n’a pas lieu d’être : les prix ne sont pas plus faibles dans les DROM (comme le montre la prime de « vie chère » accordée dans ces territoires pour la fonction publique). Cela signifie donc que les taux de pauvreté communiqués sur ces trois départements sont artificiellement faibles : en 2011, 20,1 % des Guadeloupéens, 30,2 % des Guyanais et 32,4 % des Mahorais sont considérés comme pauvres selon cette convention comptable (2). Si on redresse ces chiffres à partir du revenu médian national, on en conclut que 49,1 % des Guadeloupéens, 61,2 % des Guyanais et 84,5 % des Mahorais sont pauvres en 2011… soit un chiffre bien supérieur à la moyenne française.
Depuis la parution de ces chiffres, l’Insee a revu les statistiques de pauvreté concernant la Martinique et La Réunion, où le taux de pauvreté est désormais calculé comme pour la métropole. On apprend ainsi qu’en 2016, respectivement 29,8 % des Martiniquais et 39 % des Réunionnais se trouvent sous le seuil de pauvreté. En comparaison, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine, affiche un taux de pauvreté de 28,6 % la même année.
Avec la parution de chiffres actualisés pour tous les DROM, annoncés par l’Insee dans le courant de l’année, il y a fort à parier que la pauvreté en Outre-Mer soit réévaluée bien à la hausse !
Anaïs Henneguelle, économiste atterrée et Valentin da Silva
1 – Du fait de leur statut particulier, il est encore plus difficile de trouver des données sur les Collectivités d’Outre-Mer.
2 – D’après un rapport de la CNCDH paru en 2017.
Au sommaire du numéro 149
- Édito : Frustration en terrasse / Un « pacte » qui stimule le débat communal
- Film : Marcher avec les loups / Ma petite entreprise : un restau légumes
- Femmes « Black Feminism » en Afrique du Sud / Entretien avec Francis Hallé : « Une forêt tropicale humide ne brûle pas »
- Carte des alternatives à Tours
- Actu : La fausse annonce de Castaner / Grrr-ondes : 5G, le grand mensonge de la transition énergétique / Économistes atterrés :Statistiques de la pauvreté et pauvreté des statistiques en Outre-Mer
- Lorgnettes : Intimité chez soi : les rideaux bientôt obsolètes ? / Pesticides : « On n’arrive pas à protéger les populations »
- L’atelier : Opération zéro déchet ! / Au jardin / Couture & Compagnie / Le coin naturopathie
- Fiche pratique : Faire son bokashi
Dossier 7 pages
Ménage, qui fait le « sale boulot » ?
Pour Roman, de la communauté Longo Maï, c’est « un révélateur de la qualité de vie collective ». Pour Ghislaine, employée de mairie, un métier qu’elle « n’aime pas », faute de reconnaissance. Ce mois-ci, L’âge de faire s’intéresse au ménage, dont la répartition est marquée par les inégalités de genre et de classe. En coloc, en entreprise, en famille, entre les couches sociales…
Si on partageait équitablement le « sale boulot » ?