Afin de protéger la mangrove, une association de biologistes indonésiens s’est penchée sur la rivière en amont, puis sur les hautes terres où elle prend sa source. Là, elle s’est alliée aux villageois·es contre les fonctionnaires corrompu·e·s qui pillent la forêt.
C’est dans un pick-up que nous quittons Wringinanom, où se trouvent les locaux de l’association écologiste Ecoton, pour rejoindre les hautes terres de Wonosalam, à l’Est de Java, en Indonésie. À moitié biologiste de terrain et à moitié organisateur communautaire, Amir est au volant. C’est lui qui coordonne depuis 2010 un programme de réhabilitation de la forêt mené avec les habitant·es du district. Il a vécu sur place pendant deux ans lors de la mise en place du programme. Ainsi aujourd’hui il est accompagné par Riska, biologiste elle aussi, par Afrianto, un bénévole de l’association, et par Heri, dont les photos illustrent ce reportage.
Tout le monde a hâte de rejoindre la fraîcheur des hautes terres.
Pour les biologistes, il s’agit d’améliorer la qualité des eaux des cinq rivières qui dévalent de ces montagnes.
Les habitant·es, pour leur part, cherchent des activités durables pour faire vivre leur district.
À la chute du dictateur Suharto, en 1998, les élites du nouveau pouvoir sont plus corrompues que jamais.
Les employé·es de la compagnie forestière d’État qui opère à Java Est, Perhutani, organisent en 2000, pour leur propre compte et avec l’aide d’officiers de l’armée, une opération de déforestation illégale qui laisse presque la moitié des montagnes de Wonosalam à nu.
Quatre ans plus tard, le district connaît des effondrements de terrain et des inondations qui emportent êtres humains et bétail. L’environnement est fortement dégradé, la sécheresse menace. Les 124 sources sont taries ou coulent à flot réduit, et les conflits autour de l’accès à l’eau sont nombreux dans les neuf villages du district.
Perhutani continue à exploiter les pentes des montagnes, plantant teck et pin, des essences à haut rendement mais gourmandes en eau. Et malgré les contrôles du ministère, la compagnie forestière est en terrain conquis à Wonosalam. C’est dans ce contexte que les biologistes de l’association Ecoton proposent aux habitant·es d’inventer un autre modèle de développement.
Les redevances versées par Perhutani sont maigres, et la compagnie exige d’être rétribuée quand les habitant·es plantent leurs récoltes dans des sous-bois ou des parcelles inoccupées.
Wonosalam n’a rien à perdre et tout à gagner en s’opposant aux forestiers et en réclamant à la compagnie l’usage des terres.
Plantation d’arbres fruitiers
Depuis 2010, grâce notamment à des financements extérieurs à la communauté villageoise, les opérations de plantation d’arbres vont bon train. Ce sont principalement des essences fruitières, dont les récoltes pourront augmenter le revenu des villageois·es. Wagisan, un homme d’une cinquantaine d’années, s’occupe d’une pépinière.
Sous serre comme autour de sa maison, des centaines de pousses grandissent dans des pots avant de pouvoir être replantées : caféiers, girofliers, durians, mangoustans, noyers des Moluques, bananiers, ce sont des arbres et des palmiers de diverses essences qui mettront cinq à quinze ans pour pousser dans cet écosystème tropical.
Pour mener ce projet de réhabilitation, les écolièr·es de la madrasah Faser, une école privée qu’il dirige, reçoivent l’aide d’une école catholique en aval de la rivière, dont les élèves viennent participer à des chantiers.
Ce matin, une sortie est organisée avec les enfants aux « sept fontaines », mBeji, dans le village de Panglungan. Aujourd’hui « laboratoire de la forêt », c’est aussi un lieu sacré depuis les temps où l’on pratiquait à Java un culte hindou-bouddhiste. Les habitant·es musulman·es continuent à laisser des offrandes dans une clairière au milieu de 8,5 hectares de forêt préservée.
Ce sont probablement les singes qui mangent nos offrandes !Une écolière
Perhutani n’a pas osé déforester mBeji, et les élèves identifient dans ce lieu préservé 38 essences d’arbres dont se nourrit la faune locale.
Des enfants « détectives des eaux »
Beaucoup d’enfants et d’adolescent·es participent aux efforts de la communauté pour réhabiliter l’écosystème du district. Ils et elles sont nombreuses à s’être engagées comme « détective des eaux », detektiv air en indonésien.
Le lendemain, un samedi matin. Nous les attendons au fond d’une vallée, dans la cabane construite par les bénévoles d’Ecoton. Les nuits y sont fraîches et un petit feu fume pour réchauffer ceux et celles qui ont campé sur place.
Quatre élèves d’un lycée professionnel viennent pour une séance de biomonitoring (observation et recueil de données) avec Riska. Il s’agit de prélever des échantillons dans la rivière et d’inventorier les espèces d’insectes que l’on y trouve.
La suite de ce reportage de Aude Vidal est à lire dans le numéro 116 de L’âge de faire
Aude Vidal est l’autrice de reportages et analyses sur les mondes malais, à retrouver sur http://ecologie-malaisie.eu
Au sommaire du Numéro 116 :
- ÉDITO : Abonnez votre commissariat !
- Semences : De km en kg de graines
- ENTRETIEN : « En France aussi, on peut parler d’accaparement des terres »
- Documentaire : Dans les coulisses d’une classe Freinet
- Infographie : Le parcours d’un demandeur d’asile
- ACTUS : Perturbateurs endocriniens : la commission noie le poison
- LA LORGNETTE : Les algues au secours des dunes
- SANTÉ : ces médecins électro-sceptiques
- FORUM
- FICHE PRATIQUE : “Comment résister au LINKY ?” – Les soins naturels anti-puces chiens et chats
- Reportage : Voyage chez les écolos de Java
- LA ROYA : UNE NUIT SUR LES RAILS