Steven organise des séjours pour des groupes d’ados et leurs éducateurs. Cercles de parole, communication bienveillante… Il s’appuie sur les outils ramenés de ses voyages pour « reconnecter les jeunes avec leurs rêves ».
En 2015, après six années de voyages dans une soixantaine de pays, Steven est de retour au bercail. Il se lance, et décroche au culot un poste d’éduc. Avec une licence Staps comme bagage, son aisance avec les jeunes et son parcours atypique, il n’a pas de mal à se faire une place dans le métier. Il travaille ensuite avec l’association Ufolep, qui lui propose un poste hybride. Grâce au sport et à des séjours de rupture, il peut créer un lien avec les jeunes en décrochage. Qu’il les emmène en Ardèche, dans les montagnes, ou surfer sur la côte ouest… ce qui plaît à Steven, c’est la liberté qui lui est accordée pour accompagner les jeunes vers une vie plus sociale, calme et apaisée.
Pourtant, il sent que quelque chose coince. « Dans le social, on travaille dans l’urgence, on est en réaction, pas en action. Tous les problèmes des jeunes, pour moi, ce n’est que la conséquence d’un système qui ne tient pas la route. Les éducateurs sont ultra-sollicités. La
semaine dernière, une jeune de la maison d’enfant a perdu son papa, les éducs ont dû l’accompagner à l’enterrement. Ils sont à bout, émotionnellement brassés. Et ça c’est un exemple parmi tant d’autres. J’ai vu beaucoup d’éducs s’effondrer », confie Steven.
UN FUTUR LIEU À CHAMONIX ?
À la naissance de son fils, il décide de prendre une année sabbatique pour incarner les valeurs qu’il défend : ralentir, prendre le temps de l’humain. Aujourd’hui, le revoilà aux côtés de l’Ufolep, mais dans un autre cadre. L’association qu’il a créée, Or du temps, propose aux structures éducatives des séjours organisés, construits en coopération avec les éducateurs. C’est ainsi qu’il a emmené toute la troupe sur la montagne Sainte-Victoire, et qu’il est présent, aux côtés des jeunes, à Dékal’Âges. De la suite dans les idées, arborant un sourire pétillant, il égaye la tablée tardive avec des blagues en pagaille. Il est comme un jeune parmi les autres, un papa bienveillant qui rassemble et nous fait pouffer de rire entre deux chouquettes.
Avec ses outils qu’il ramène de voyage, il peut enfin harmoniser travail et valeurs. « Ça fait cinq ans que j’anime des cercles de parole d’hommes et mixtes, j’ai découvert cette pratique sur ma dernière année de voyage. C’est beau, la confiance qui se crée. C’est un outil extraordinaire qui libère la parole. On lâche, on craque, on exprime nos émotions. J’ai aussi été formé à la CNV (Communication non violente, Ndlr), que je préfère appeler communication bienveillante et responsable. Aujourd’hui, comment vivre sa masculinité avec les injonctions permanentes d’être fort, d’être un homme ? La société c’est un briseur de rêves, mais pour moi, il n’est jamais trop tard, tout est possible et réalisable ! C’est quoi, votre rêve ? Moi, je veux reconnecter les jeunes avec leurs rêves. C’est fonda- mental de leur apporter ça. » Steven projette également de créer des séjours entre éducateur·ices, axés sur la cohésion de groupe et l’analyse des pratiques éducatives. Il propose un programme où l’éduc’ est au centre du projet, où « la compassion, le soutien, l’écoute et la confiance » sont les maîtres mots. Avoir un lieu pour accueillir des séjours chez lui, à Chamonix, est un de ses rêves.
Lisa Vincent