Le maraîcher David Farrenq a mis en place la vente à la ferme pour faire face à la fermeture des marchés. Cette alternative lui prend beaucoup de temps, alors même que la saison printanière l’oblige a augmenter aussi son activité agricole.
Du travail, David Farrenq n’en manque pas, comme tous les maraîchers à cette saison.
Il faut travailler le sol et planter les premières cultures plein champ, vider les serres pour planter les tomates, il y a les oignons, les échalotes…
Le jeune homme égraine une longue liste de tâches tout en cueillant des feuilles d’épinards. Celles-ci partent habituellement comme des petits pains sur le marché hebdomadaire d’Espalion, en Aveyron. Or, à Espalion comme ailleurs en France, les marchés de plein vent sont désormais interdits (1).
Les marchés, c’est 80 % de mes débouchés. Une salade, t’as une semaine maximum pour la passer. Après, tu la jettes.
David travaille sans chambre froide. C’est peut-être le détail qui l’a conduit à réagir avant même l’annonce de l’interdiction des marchés : depuis une semaine, il propose à ses clients de commander leurs légumes par téléphone ou internet puis à venir les chercher le lendemain directement à la ferme. « Et ils glissent le chèque dans la boite aux lettres, comme ça il y n’a pas de contact direct. »
De nombreux habitués ne sont certainement pas encore informés de cette possibilité d’achat. Et beaucoup d’entre-eux, dans ce territoire de têtes blanches, n’ont pas les moyens de se déplacer jusqu’à la ferme. L’initiative a tout de même déjà séduit une petite centaine de clients. « C’est encore loin de compenser les marchés, mais de toute façon, si j’avais toute la clientèle habituelle, ce serait ingérable. »
Les Amap, la solution ?
La préparation des commandes lui prend en effet un temps considérable :
Pour les marchés, je charge la camionnette produit par produit. Avec les paniers, c’est client par client. Je plains les collègues qui passent toute leur production par les marchés. Ils vont se retrouver à vendre à perte sur les marchés de gros pour la grande distribution.
Lui a encore de quoi voir venir, notamment car il écoule 10 % de sa production auprès de petits commerces du territoire encore ouverts, et dix autres pour-cents auprès d’une Amap (2). Même s’il s’agit d’une petite part de sa production, ce système lui garantit des débouchés pérennes, ainsi qu’un petit fonds de roulement pour la trésorerie. Les Amapiens ont en effet signé 12 chèques pour l’année, que David encaisse mois après mois. Sur le point de livraison aménagé pour respecter les règles barrières, ils récupèrent leur panier hebdomadaire. Là aussi, c’est désormais David, et non les Amapiens, qui confectionne les paniers. L’opération nécessite qu’il double son temps de travail. « C’est pas le moment de tomber malade », résume-t-il.
Pour l’heure, David n’envisage pas d’embaucher, de faire appel à des volontaires et encore moins d’augmenter ses tarifs pour compenser la charge de travail. Pour soutenir la vente en circuits courts, il encourage tout simplement les consommateurs à commander et à se rendre chez les producteurs qui ont mis en place un système analogue au sien.
Ça peut être aussi l’occasion de découvrir le système Amap. C’est vrai que ceux qui distribuent en 100 % Amap ne vont pas souffrir de la crise. Et après, on espère que les consommateurs n’auront pas la mémoire courte, et qu’ils prendront conscience de l’importance des producteurs locaux.
FG
1 – Pour maintenir un marché, le maire peut faire une demande dérogatoire auprès du préfet « lorsque le marché, dans certains villages, est “le seul (moyen) parfois” d’avoir “accès à des produits frais», a précisé le Premier ministre le 23 mars. Face à la bronca de certains syndicats agricoles, trouvant cette interdiction globale injustifiée, et relevant que les marchés font l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport à la grande distribution, autorisée voire encouragée à maintenir son activité, le gouvernement aurait, le 27 mars, assoupli les possibilités de déroger à la fermeture des marchés :
https://www.confederationpaysanne.fr/actu.php?id=9970&PHPSESSID=p4s644hdq9c8d3vra6mbt61oe6
2 – Association pour le maintien d’une agriculture paysanne http://www.reseau-amap.org/amap.php