AlterTour, Tour Alternatiba, Rando Vélo Coco : ces randonnées militantes proposent de passer de bons moments ensemble, d’aller à la rencontre des « alternatives », de revendiquer plus de justice sociale et écologique. Autant de pieds de nez à la compétition, au dopage et au matraquage publicitaire du Tour de France officiel.
Article initialement publié en mars 2018.
Du 14 juillet au 26 août, l’AlterTour quittera Amiens pour traverser le nord-est de la France jusqu’à Strasbourg. Dans le « peloton », des enfants, des hommes et des femmes de tous les âges – l’an dernier, le plus vieux avait 74 ans. Pas d’échappée, de podium ni de maillot jaune, mais une aventure collective et des étapes à la rencontre des « alternatives » locales. Et, surtout, pas de dopage ! Le premier AlterTour a eu lieu en 2008, dans la continuité des Journées internationales d’opposition collective aux OGM, organisées par l’association AlterCampagne. Quel rapport avec le vélo ? Le dopage, justement, car pour AlterCampagne, « l’accroissement artificiel des performances » ne touche pas que le sport. Dopages financier avec les subprimes, agricole avec les produits de synthèse, énergétique avec les centrales nucléaires…« AlterCampagne imagine relier des alternatives à ce dopage sociétal généralisé. »
Marine Regalet avait à peine quinze ans quand elle est tombée dans la marmite de l’autogestion, en participant à son premier AlterTour : « Au début, on ne sait pas trop se positionner dans ce groupe rôdé à l’organisa- tion, où tout le monde est sur un pied d’égalité. Mais au fur et à mesure, on se crée une place. » L’année d’après, elle prenait en charge, aidée de son « binôme », l’organisation de deux étapes.
« Cycliste du quotidien », Julie Lefort a été emballée par ses trois premiers jours avec l’AlterTour, en 2015, à Lille. « Ça a été une expérience très marquante de rencontrer les Déboulonneurs de pub, des responsables de jardins partagés, un village en transition écologique… » À présent, elle participe elle aussi à l’organisation : « On cherche où mettre les tentes, on organise le repas en lien avec des producteurs locaux, les visites... » Des actions militantes sont également prévues selon les souhaits des participants et des enjeux sur les territoires traversés : « Ça peut prendre la forme d’un concert, d’un marché, d’une conférence, d’une manif à vélo pour dénoncer la pollution minière… »
« RECONSTRUIRE UNE CONSCIENCE DE CLASSE »
« Les procédures pour que tout le monde ait sa place sont vraiment abouties, poursuit Julie. Et l’association est belle pour ça. On essaie d’avoir un rythme qui permette à tous de participer, y compris des personnes avec un handicap. On a un « référent famille », une voiture-balai pour les coups de fatigue, on fait attention à ce que les repas n’excluent personne, le tarif varie en fonction des revenus…Chacun est bienvenu avec ses fragilités. » Avec 40 à 60 personnes en même temps, environ 350 cyclistes se relaient chaque été sur le parcours.
Le mouvement Alternatiba organise quant à lui de véritables tours de France de plus de 5 000 km, à bord de tandems trois et quatre places, depuis 2015. L’idée est, là aussi, d’aller à la rencontre des alternatives, selon le slogan : « Changeons le système, pas le climat. » L’itinéraire de la Rando Vélo Coco, lancée en 2011 par la section du Beauvaisis du Parti communiste, est beaucoup plus modeste mais se veut tout aussi symbolique. Jean-Michel
Langlet, prof d’EPS féru de vélo, voulait « proposer aux camarades quelque chose pour se dégager les neurones et faire marcher les jambes ». C’était parti pour une randonnée de deux jours de Beauvais au Tréport : 140 km de petites routes pour rejoindre la mer, avec une nuit chez les camarades de Dieppe. La Vélo Coco, qui réunit entre 60 et 90 participants (pas tous encartés au PC !) a trois grands objectifs pour Jean-Michel. « D’abord, ” faire ensemble” dans un esprit fraternel et sportif. Pour nous, les pratiques sportives devraient être des formes de bonheur partagé. Ensuite, revendiquer que les milliards de la fraude fiscale soient récupérés. Nous en parlons dans la presse, et les slogans de nos tee-shirts interpellent les gens que nous croisons. Et enfin, travailler modestement à la reconstruction d’une identité de classe. »
Le militant fait référence aux Pinçon-Charlot, un couple de sociologues qui a participé à la Vélo Coco en 2014. « Ils expliquent que la grande bourgeoisie est la seule classe consciente d’elle-même et qu’elle a ses grands moments, ses rallyes et ses croisières. Nous pensons que nous aussi, nous devons travailler à notre conscience de classe. »
Lisa Giachino