Comme chaque année depuis 2008, le groupe d’experts indépendants a rendu en décembre son rapport dans lequel il recommande au gouvernement de ne pas donner de coup de pouce au Smic, de s’en tenir à la revalorisation légale, soit l’inflation et la moitié de la hausse du pouvoir d’achat du salaire horaire des ouvriers et employés. Pire, ce brillant aréopage demande régulièrement que soit supprimée la revalorisation du pouvoir d’achat du Smic et même son indexation sur l’inflation. Le gouvernement déciderait alors arbitrairement d’augmenter ou non le Smic, comme il le fait pour l’indice des traitements de la fonction publique, qui a perdu 19 % de pouvoir d’achat depuis 2000.
La plupart des pays développés ont aujourd’hui un salaire minimum. Celui-ci valorise le travail ; il contribue à assurer un niveau de vie minimal à tous les salariés et à leur famille ; il limite la concurrence des entreprises par les bas salaires.
La France peut-elle baisser son Smic après avoir préconisé que tous les pays de l’Union Européenne adoptent un salaire minimum égal à 60% du salaire médian ? Le Smic, à 10 euros de l’heure, n’est pas à un niveau extravagant. Le salaire minimum est de 9,45 euros en Grande-Bretagne, mais les conservateurs se sont engagés à le passer à 12,6 euros à terme.
Des exonérations qui fragilisent la sécu
Pour ces experts, le haut niveau du Smic serait un frein à l’emploi des salariés dits non-qualifiés. Depuis 1993, les gouvernements successifs ont donc instauré des exonérations de cotisations employeurs sur les bas-salaires. En 2019, elles représentent plus de 40 points de réduction au niveau du Smic pour un coût de 57 milliards. Ces exonérations fragilisent le financement de la Sécurité sociale. Elles incitent les entreprises à créer une catégorie spécifique d’emplois, souvent à temps partiel ou précaires, sans perspective de promotion, coincés dans une trappe à bas salaires. Elles favorisent les entreprises à bas salaires au détriment de celles qui payent correctement leur personnel. Les emplois créés ne correspondent pas à la qualification croissante des jeunes.
Ces experts proposent la hausse de la prime d’activité, puisque celle-ci est à la charge de l’État et non des entreprises. Mais, c’est une prestation d’assistance, alors que le Smic est un salaire, qui reconnaît la contribution du travailleur à la production, qui donne droit à des prestations retraite et chômage. Beaucoup de femmes n’ont pas droit à la prime d’activité en raison du salaire de leur conjoint. Les Smicards perdent la prime d’activité quand ils deviennent chômeurs, ce qui plonge leur famille dans la pauvreté. Les experts seront entendus. Le gouvernement ne donnera pas de coup de pouce au Smic.
Henri Sterdyniak, économiste atterré
Au sommaire du numéro 148
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- Edito « Réformer » au profit du chacun pour soi / Le Rip ne s’use que si l’on ne s’en sert pas
- LIMA Les habitants à la conquête de la rue
- Femmes le journal des silencieuses / portrait Tran To Nga, une vie de luttes
- Reportage Emma pourchassée par les ondes / La puissance des opérateurs de téléphonie
- Infographie de la fève de cacao à la tablette de chocolat
- Actu ZARA : des salaires injustes / Ils détruisent encore du savon / Grrr-ondes Trop d’écran nuit aux apprentissages des enfants / économistes atterrés
- Lorgnettes rencontre avec Andrea Quintana, activiste franco-colombienne / Pour des logements vraiment sociaux
- L’atelier Opération zéro déchet ! / Au jardin / Couture & Compagnie / Le coin naturopathie
- Fiche pratique : La lessive à la cendre
- La main à la pâte volume 2
Dossier 4 pages : à qui profite le chocolat ?
Il y a plus de 4000 ans, les Mayas cultivaient déjà le cacao. L’arrivée des Espagnols en Amérique a marqué le début de la douloureuse histoire du chocolat, liée à la colonisation et à l’esclavage. Aujourd’hui, l’industrie chocolatière repose sur l’exploitation d’hommes, de femmes et d’enfants par quelques grandes entreprises. Une poignée de planteurs, transformateurs et chocolatiers tentent de construire des filières où le travail est rémunéré au prix juste.