La guerre en Ukraine oblige à repenser la stratégie énergétique de l’Union européenne qui dépend pour 40 % du gaz et 30 % du pétrole russe et ne peut pas supprimer d’un coup ses importations sans d’immenses difficultés pour de nombreux secteurs et de nombreux ménages, dont les plus pauvres.
Or, la Russie restant une économie peu développée tirant l’essentiel de ses revenus de ses ressources naturelles, dont le gaz et le pétrole sont les plus importantes, l’arrêt des importations européennes serait une sanction infiniment plus coûteuse pour la Russie que son exclusion de l’Eurovision ! Surtout qu’en continuant à lui acheter ses ressources, l’UE finance la guerre russe en Ukraine pour plus de 700 millions d’euros par jour.
Mais si des sanctions plus fortes ne peuvent pas être prises contre la Russie, c’est pour la même raison que la lutte contre le changement climatique reste inefficace. Car Poutine et le changement climatique n’ont pas surgi brutalement dans un monde harmonieux. Les vues impérialistes de Poutine, sa gestion autoritaire, son action en Crimée laissaient peu de doutes sur ce qu’il allait faire. Tout comme le changement climatique ne cesse d’être documenté, par des rapports du Giec (Groupe international d’experts sur le climat, Ndlr) de plus en plus inquiétants. Et dans les deux cas, l’un des leviers majeurs contre ces menaces, c’est réduire notre dépendance aux fossiles. Mais peu de choses ont été faites pour cela et nous continuons à foncer vers la catastrophe climatique, et à ne pas rendre crédible la menace des arrêts d’importation des ressources russes.
Changement de trajectoire
Avec pour conséquence la poursuite du changement climatique, rendant de plus en plus coûteuses les adaptations nécessaires, et la poursuite de la guerre en Ukraine.
Bien sûr qu’aujourd’hui nous ne pouvons pas nous passer de gaz et de pétrole. Mais c’est hier, il y a au moins 20 ans pour le climat et 10 ans pour Poutine, que cette dépendance aux fossiles aurait dû commencer à être réduite. Et c’est maintenant que l’on voit que l’attente n’a pour conséquence que de rendre à la fois plus urgente et plus difficile sa solution.
Malheureusement, la réaction de la plupart des politiques n’est pas de proposer un changement réel de trajectoire, mais des mesures de court terme pour limiter un peu les effets du renchérissement pour les consommateurs. Ce faisant, ils ne font que les conforter dans l’idée que les ressources fossiles sont indispensables et donc doivent être le moins cher possible. Mais il ne suffit pas de dire que nous devons changer nos modes de production et de consommation tout en continuant à ne pas le faire. Car pendant ce temps, la crise du capitalisme s’accentue.
Gilles Rotillon, économiste atterré