L’association rochelaise Aux arbres citoyens organise des cueillettes de fruits chez les habitants. Les récoltes sont données à des associations d’aide alimentaire.
Ce mercredi matin, il règne une agitation inhabituelle au fond de cette impasse de Lagord, une ville à proximité de La Rochelle. Une dizaine de personnes se dirige d’un pas décidé, échelle sous le bras et perche télescopique à la main, en direction de la maison de Micheline et Jean-Jacques Oerlemans. C’est la troisième fois que le couple fait appel à l’association rochelaise Aux arbres citoyens, qui lutte contre le gaspillage alimentaire en organisant des cueillettes de fruits chez les particuliers. « C’est pratique pour les personnes de plus de 70 ans comme nous. On ne peut plus grimper aux arbres à notre âge et cela nous désolait de voir tous ces fruits tombés au sol et gâchés. Surtout quand on sait que certaines personnes n’ont pas les moyens d’en acheter », raconte Micheline, qui a connu l’existence de l’association par le bouche-à-oreille. Depuis, la Lagordaise garde bien précieusement le numéro de téléphone de Coralie Tisné-Versailles. La cofondatrice a créé l’association au retour d’un tour du monde en famille durant lequel elle avait entendu parler du collectif canadien Not Far from the Tree. Celui-ci lutte également contre le gaspillage alimentaire en organisant des cueillettes de fruits. L’initiative avait aussitôt séduit la Rochelaise, déjà habituée à cueillir dans les jardins de ses voisins, ainsi que son mari Alexandre et son amie Céline Bréjaud. À trois, ils lancèrent l’association en juillet 2020.
Cueillir pour les autres
Ce matin-là, ce sont des cerisiers qui attendent d’être déchargés de leurs fruits. « Avez-vous des consignes particulières, Micheline ? Est-ce qu’on peut grimper aux arbres ? » Sur les échelles ou avec leur perche, enfants et adultes s’activent, munis de leur sac de cueillette confectionné par l’atelier Remise à flot, mêlant artisanat, accompagnement social et économie circulaire. Au bout d’une heure et demie, les bénévoles mettent leur cueillette en commun et les fruits sont triés. 15 kilos de cerises ont été récoltés. Quelques poignées pour chacun, quelques poignées pour Micheline et Jean-Jacques. Le reste, ce matin-là, sera distribué à une vingtaine de familles de Lagord ainsi qu’à l’épicerie sociale du quartier rochelais de Mireuil. Les cueilleurs reviendront à l’automne pour s’occuper des deux figuiers et de la vigne de Micheline et Jean-Jacques.
« On cueille surtout pour les autres », sourit Sophie, une bénévole venue de Puilboreau, dans l’agglomération rochelaise, qui apprécie « cette idée de ne pas gâcher et d’apprendre à donner ». La solidarité est en effet le maître-mot de l’association : 80 % des fruits cueillis sont donnés, notamment à la banque alimentaire de Charente-Maritime, qui redistribue à une soixantaine d’associations du département.
Près de 5 tonnes récoltées
Le nom de l’association rappelle l’ambition de ses fondateurs : « On veut changer le monde en tendant la main vers un fruit et vers les autres. On se doit d’honorer ce que nous donne la nature, c’est une responsabilité collective. 30 % de la nourriture produite dans les champs ou sur des arbres est gaspillée alors qu’on parle de faim dans le monde et que certaines personnes ont de plus en plus de mal à faire trois repas par jour », rappelle Coralie Tisné-Versailles, qui mentionne le rapport du Secours catholique sur « L’état de la pauvreté en France » et de préciser : « En 2020, entre 5 et 7 millions de personnes en France ont eu recours à l’aide alimentaire. »
L’année dernière, Aux arbres citoyens a organisé pas moins de 70 cueillettes. Depuis sa création, ce sont plus de 4,7 tonnes de fruits (cerises, prunes, figues, pommes, poires, noix, kiwis, raisins, olives, kakis) qui ont été ramassés et partagés. Pour venir cueillir, les bénévoles doivent seulement s’acquitter d’une adhésion annuelle d’un euro minimum. L’inscription est gratuite pour les propriétaires. Actuellement, l’association compte 200 adhérents. Aux arbres citoyens compte bien essaimer. Une antenne a d’ailleurs vu le jour début juin au sud de Strasbourg.
Jenny Delrieux