Le pouvoir d’achat désigne la capacité d’acquérir des biens nécessaires à la vie (logement, nourriture, énergie) – et, si possible, d’autres biens en échappant à la seule quête de la survie quotidienne. Donc d’acheter des biens privés disponibles, par définition, sur le marché.
Derrière cette évidence, il y a deux arbitrages. L’un, c’est celui entre biens privés et biens publics. Dans un pays comme la France, la plupart des habitants acceptent de payer des impôts finançant ces biens publics indispensables à une vie décente, comme l’éducation, la santé, la sécurité, ou la mobilité. Cela revient à accepter de réduire son revenu, donc sa consommation de biens privés, pour augmenter la fourniture de ces biens publics essentiels.
Cet arbitrage est remis en question par les politiques néolibérales qui réduisent leur qualité, comme l’illustre tragiquement la fermeture des lits pendant la pandémie ou le manque d’attrait du métier d’enseignant. Mais le fait que ces politiques rencontrent une vive opposition, chez les personnels concernés, ainsi que dans un large public, prouve qu’il n’est pas remis en cause par la majorité et fait partie du débat public.
Climat et biodiversité
Un second arbitrage, impensé comme tel, concerne un nouveau type de biens dont plus personne aujourd’hui n’ignore les deux principaux, le climat et la biodiversité : ce sont les biens communs. Ils ne sont pas produits par une puissance centralisatrice, mais par l’activité décentralisée de très nombreux producteurs. Ainsi, le climat dépend des activités des milliards d’habitants sur terre, avec des contributions bien différentes, mais dont l’effet dépend juste de l’agrégation des émissions.
Que le climat ne soit pas uniquement le résultat de l’interaction entre le soleil et la Terre, mais aussi celui de l’activité de ses habitants, est un constat récent. Sa production a un coût, puisqu’elle est liée à la plupart des activités humaines et donc aux moyens utilisés. Notamment les énergies fossiles – gaz, charbon, pétrole – et les utiliser moins revient à se passer de certains services qu’elles nous rendent.
C’est donc bien d’un arbitrage qu’il s’agit. Il ne se traduit pas par une partition de son revenu entre biens privés et biens publics, mais par l’effet indirect des modifications de nos comportements et de notre consommation sur notre revenu, qui viendra réduire la part disponible pour l’achat de biens privés.
Le rendre visible dans le débat public est à la fois indispensable et impossible si on ne le lie pas avec la réduction des inégalités de revenu. Car la fin de l’abondance annoncée par Emmanuel Macron ne peut pas concerner au même titre le smicard et ceux qui ont déjà tout. Et ce d’autant moins que ce sont ces derniers qui dégradent le plus le climat par leurs comportements.
Gilles Rotillon, Économiste atterré