En moins de trois ans est née une vague de projets de supermarchés d’un nouveau genre : ce sont des coopératives de consommateurs qui s’appuient sur le travail bénévole de leurs membres.
Former 850 personnes, expliquer toutes les 3 heures comment fonctionne la caisse,
c’est pas simple…
Mais ils commencent à être autonomes, à se former entre eux.Nicolas Philippe
Les bénévoles dont parle Nicolas Philippe, salarié d’une supérette à Lille, sont aussi ses patrons : Superquinquin est une coopérative de consommateurs un peu spéciale. Les associés s’engagent à donner de leur temps pour faire tourner la boutique, au moins 3 heures par mois. Le magasin a ouvert le 1er avril, concrétisant une idée qui a germé en 2015.
Plusieurs personnes, dont Nicolas, se questionnent alors sur la mise en place d’une alternative au supermarché, mais cherchent un système qui soit moins contraignant et plus pratique que les paniers ou les Amap. Par ailleurs, ils ne veulent pas se restreindre à une offre bio, pour ouvrir la communauté des utilisateurs à des personnes qui ne peuvent ou ne souhaitent pas être dans cette démarche.
Un petit groupe se retrouve autour de l’idée de supermarché coopératif et participatif. Coopératif, car permettant aux consommateurs de ne pas être que des clients : implication et transparence dans le choix des produits, les prix pratiqués auprès des producteurs, la politique salariale, etc.
Quant à l’aspect participatif, il permet, grâce au bénévolat, de réduire les frais de fonctionnement et donc de proposer des prix avantageux, tout en confrontant les sociétaires à la vie concrète de l’entreprise. Le petit groupe lillois a bénéficié des précieux conseils de Tom Boothe, un des initiateurs de la Louve. Cette coopérative parisienne d’environ 5 000 sociétaires, en phase de test depuis l’an dernier dans le 18e arrondissement, est un peu la mère de la nouvelle vague de supermarchés coopératifs.
Ça ne fait que commencer
La Cagette à Montpellier, Bees Coop à Bruxelles, Scopeli à Nantes… Une petite dizaine de magasins de ce genre sont ouverts ou en passe de l’être, et une vingtaine d’autres projets seraient en cours de construction (1), sur les mêmes bases : seuls les sociétaires ont accès au magasin (2), et tous doivent donner un peu de leur temps.
Ça démarre de partout.
On a créé un réseau informel pour échanger sur les problèmes rencontrés, comme les logiciels de caisse par exemple.Nicolas
Pour l’heure, à Fives, un quartier populaire de Lille, Superquinquin est « encore en rodage ». Nicolas et ses deux camarades salariés sont garants de la gestion des stocks auprès de la cinquantaine de fournisseurs, du producteur local au grossiste international, choisis par les sociétaires.
Quant aux « patrons », ils assurent la réception des livraisons, la mise en rayon, le nettoyage du magasin, la caisse… Les coopérateurs continuent d’affluer, et à en croire Nicolas, le mouvement ne fait que commencer.
Fabien Ginisty
1 – Le site en construction de ce réseau, https://supermarches-cooperatifs.fr/, recense les différentes initiatives.
2 – Les sociétaires doivent acheter pour au moins 100 euros de parts sociales, 10 euros pour les bénéficiaires de minima sociaux et les étudiants. Quel que soit leur nombre de parts, les sociétaires disposent du même pouvoir de décision.
La BIO…COOP : Dans Biocoop, on oublie parfois qu’il y a « coop ».
Dans les années 70, des groupements d’achat associatifs et des coopératives de consommateurs se sont regroupés aux échelons régionaux puis national, pour former un « super groupement d’achat ».L’association Biocoop est créée en 1986. En 1993, les entreprises non coopératives sont autorisées à intégrer le réseau des 100 boutiques existantes. Le nombre de magasins double en 5 ans. Aujourd’hui leader des enseignes spécialisées dans l’alimentation bio, Biocoop est une SA coopérative détenue par 490 magasins, au sein de laquelle chaque magasin dispose d’une voix.
Parmi eux, les entreprises non coopératives sont devenues largement majoritaires, mais on trouve encore quelques associations (7), des Scop (53) et des coopératives de consommateurs « historiques » (78).
Des associations de consommateurs et de producteurs participent également à la gouvernance de Biocoop SA.
En bio, on citera aussi la coopérative de consommateurs Les nouveaux Robinson, créée à Montreuil en 1993, qui gère aujourd’hui 19 magasins en Île-de-France.
Sommaire du numéro 125 – Décembre 2017 :
- Téléphonie fixe : vers la fin du réseau cuivré, ce bien commun qui fonctionne
- Mixité à Marseille, l’entre-soi et les discriminations se font boxer
- Portrait : Un écologiste noue le dialogue avec des arboriculteurs
- Livre: Comment Monsanto fait accepter son Glyphosate
- Reportage : Thaîlande, un village revit depuis qu’il est passé en tout bio
- Infographie : Les coopératives dans tous leurs états
- Les actualités : A Gardanne, les écolos sous pression
- Migrants : La solidarité face à la violence
- Birmanie : La cimenterie qui fait vaciller les pagodes
- Histoire : “La jeune Russie des soviets, paradis de l’écologie ?”
- Fiche pratique : la pomme, un remède
Dossier 4 pages : Coopératives, l’avenir !