Le mot déchire en ce moment la gauche française. Les député·es qui refusent de l’utiliser pour désigner le Hamas, mouvement islamique pratiquant la lutte armée contre la colonisation israélienne, sont montrés du doigt par leurs collègues, et accusés de faire « l’apologie du terrorisme ». Où s’arrête la résistance à l’oppression, où commence le terrorisme ? Le site d’info Orient XXI montre à quel point « les législations ne sont pas claires et l’ONU a toutes les difficultés à définir un concept dont le sens varie selon ceux qui l’utilisent »*. Voici quelques éléments tirés de cet article détaillé, qui éclaire les débats autour du conflit israélo-palestinien.
Le terme « terrorisme », apparu en France pendant la Révolution de 1789, renvoie au régime de la terreur (1793-1794). Sous l’impulsion de Robespierre, la violence a pour but de « défendre » la République. Cette période marque le début de nombreux attentats terroristes à visée politique, comme l’attentat républicain de 1835 contre Louis-Philippe Ier, dernier roi de France, qui fit 18 morts. Par la suite, le terrorisme des partisans de la colonisation a été des plus meurtriers, avec au moins 2200 personnes tuées par l’OAS (Organisation armée secrète).
Peur, ordre public et dissidences
Depuis la guerre d’Algérie, les attaques terroristes qui ont frappé Paris et Saint-Denis en 2015 sont celles qui ont fait le plus de victimes. Elles ont été revendiquées par l’Organisation de l’État islamique (OEI). En arabe, le terrorisme, « al-irhab », est un nom dérivé du verbe « arhaba », qui signifie « faire peur », « effrayer », « terrifier ». Ce terme n’a pas d’occurrence dans le Coran. En dehors de contextes spécifiques tels que la légitime défense ou la guerre entre organisations armées, l’attentat à la vie d’autrui est formellement interdit par cette religion.
Dans le Code pénal français, la définition du terrorisme rattache à un ensemble d’actes, l’intention de « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Or l’ordre public est également une notion très floue, qui évolue. Pour le professeur de l’université Diderot-3 Thamy Ayouch, ce risque peut être brandi pour éradiquer « toute pensée dissidente ».
Légitime défense et résistance
Adoptée en 2001 à la suite des attentats du 11 septembre aux États-Unis, la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU reconnaît « le droit naturel de légitime défense individuelle ou collective » contre les « actes de terrorisme »… sans définir ceux-ci. Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies de l’époque, voyait deux obstacles à cette définition : « l’emploi par les États de forces armées contre des civils », et « les populations sous occupation étrangère ont le droit de résister et aucune définition du terrorisme ne devrait annuler ce droit ».
La classification « terroriste » de l’ANC et de Nelson Mandela par les États-Unis jusqu’en 2008 illustre bien le fait que l’usage de cette dénomination est éminemment contextuel et politique. De nombreux États – parmi lesquels la France, le Royaume-Uni et Israël – ont soutenu le régime d’apartheid contre l’ANC, avant de finir par rendre hommage au courage de Nelson Mandela et de saluer sa lutte contre ce régime.
LG
* « De quoi le terrorisme est-il le nom ? », Zohra El Mokhtari, Orient XXI, avril 2018. www.orientxxi.info