Quel est donc ce bidule financé par les particuliers, mais géré par les entreprises ? On essaie de vous expliquer les certificats d’économies d’énergie, qui transforment les économies d’énergie en une marchandise cotée en bourse.
Avec les certificats d’économie d’énergie (CEE, ou C2E), l’État impose aux vendeurs d’énergie (EDF, Engie, Total, stations essence, etc.) d’inciter financièrement les consommateurs à investir dans l’efficacité énergétique. Pour ce faire, ces vendeurs ont la possibilité de financer des fonds, comme celui du « coup de pouce vélo », ou de financer directement les travaux des particuliers, ou encore de payer des intermédiaires pour le faire à leur place. Mais, c’est là le cœur du bidule : l’État n’impose pas aux entreprises de consacrer tant d’euros à ces « incitations ». Cela serait beaucoup trop simple ! Il leur demande par contre de justifier des économies d’énergie que les particuliers réaliseront grâce à ces financements, en présentant à l’Etat un nombre donné de CEE… Mais comment comptabiliser des économies d’énergies qui n’ont pas encore été réalisées !?
Vous pensez que c’est impossible ? Et bien il faut croire que non : des technocrates – conseillés par les industriels – l’ont fait ! Ainsi, une chaudière dernier cri va permettre d’économiser tant de kWh pendant 20 ans même si on ne sait pas ce qu’elle remplace. Tu achètes 30 m² d’isolant ? On ne sait pas si l’isolant a été bien posé, ni même s’il a été effectivement posé, mais on évalue l’économie d’énergie engendrée par ces 30 m² d’isolant achetés. Ainsi, tous les produits et services concernés par les certificats d’économie d’énergie ont été comptabilisés en kWh économisés. Pour ce qui est du coup de pouce vélo, l’économie d’énergie « créée » grâce à une réparation à 50 euros équivaut à 10 MWh, car nous allons moins prendre notre voiture…
Le marché du Négawatt s’appelle Emmy
Pourquoi l’administration s’est-elle acharnée à tout comptabiliser de manière aussi absurde, quand il aurait suffit de demander aux entreprises de justifier leurs dépenses ? Le but d’un tel mécanisme est de donner un prix à l’économie d’énergie, quelle que soit la façon dont elle est réalisée. On peut ainsi se dire que 500 euros seront plus efficacement investis dans tel investissement plutôt que dans tel autre, car le premier permettra davantage d’économies d’énergie, et donc correspondra à la délivrance de davantage de certificats. Ainsi, les fournisseurs d’énergie, qui ont intérêt à acheter leurs certificats moins cher que leurs concurrents, devraient logiquement financer les investissements les plus efficaces. C’est l’ « l’allocation optimale des ressources », comme disent les promoteurs de cette usine à gaz. Mais ce qui fonctionne peut-être pour les nougats et les cacahuètes fonctionne beaucoup moins bien pour des « dépenses énergétiques qui, supposément, n’auront pas lieu »…
Qu’à cela ne tienne, les certificats d’économie d’énergie ont aujourd’hui leur bourse, elle s’appelle Emmy. Quelle est donc cette manie de tout marchandiser, même ce qui n’existe pas ? On touche là au génie du capitalisme à tout récupérer, même la non consommation !
Fabien Ginisty