Dans le Gard, une friperie itinérante propose des kits aux lycées et collèges. Dans son local de Saint-Quentin-La-Poterie, les 12-18 ans ont droit à six vêtements gratuits par mois.
Suzie et Juliette ont passé le Bac l’année dernière et sont des inconditionnelles de Fripso. « C’est 70 % de ma garde-robe, dit Suzie. Ça fait plusieurs années que je n’achète plus du tout en fast fashion. Dès que j’ai le temps, j’aide à déballer les cartons, faire du tri, mettre les vêtements en rayon. » Pour Juliette, « c’est intéressant de s’initier à des choses basiques qui se sont perdues comme repriser, broder… Je vais pas arrêter de porter une fringue que j’aime bien juste parce qu’il y a un trou. Le prochain truc que j’aimerais apprendre, c’est le tissage. »
Fripso, c’est une friperie pas comme les autres basée dans le village de Saint-Quentin-la-Poterie, dans le Gard. Sa cible de prédilection : les ados. Pas pour leur soutirer des sous, mais pour leur proposer de s’émanciper de la mode jetable.
L’histoire a commencé avec un camion chargé de fringues, et des ateliers dans le lycée de Juliette et Suzie, à Uzès. « Avec le Covid, on a commencé par des fripes sauvages. On arrivait devant la cantine avec le camion, on déballait, les jeunes se servaient, raconte Françoise. Ensuite, on a monté des ateliers où on racontait aux élèves l’histoire de la fast fashion, que beaucoup de vêtements sont fabriqués par enfants plus jeunes qu’eux. Puis par groupes, ils ont appris à coudre un bouton, broder sur un tee-shirt troué, faire un bord… » Juliette se souvient qu’il y a eu « plein d’évènements au lycée. On habillait des mannequins, on faisait des customisations d’habits »… « C’est amusant, on peut être hyper lookés avec de la fripe », estime Suzie.
Fripso propose aux établissements scolaires de créer leur propre friperie, en définissant son fonctionnement : gratuité, troc, vente à bas prix… L’association fournit un stock de vêtements, des portants, et réapprovisionne la boutique si nécessaire. Dans un collège, c’est une classe Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolarisée) qui s’est emparée de l’idée. « Les élèves ont pu se confronter aux maths et au français, car ils notaient tout ce qu’il avaient, et le poids », indique Françoise. Dans un lycée, les vêtements ont été vendus 1 euro pièce pour financer un voyage scolaire. Avec ou sans Fripso, « c’est une idée que tout le monde peut reprendre ! ».
« Ce matin, un gros groupe de garçons »
Au local de la friperie, les 12-18 ans ont aussi leur pièce réservée : ils savent qu’ils peuvent y puiser gratuitement, chaque mois, six vêtements. « C’est rentré dans les mœurs, ils viennent souvent à plusieurs, sourit Françoise. Ce matin, il y avait un gros groupe, que des garçons. Au début, on n’avait pas mis de limite, et il y avait quelques abus. Depuis que c’est six pièces par mois, ils sont nickel, et ils nous ramènent ce qu’ils ne portent plus. »
Les vêtements proviennent uniquement des dons faits sur place, à la recyclerie Arru dont Fripso fait partie, et à la déchetterie. « On fait un tri énorme, précise Françoise. On essaie de trouver des choses pour séduire les ados, et on remet aux isolants tout le reste. Les gens le savent. On met souvent des affaires de sport de côté. »
Parmi les habitué·es, il y a « autant des enfants un peu branchouilles qui ont décidé de s’habiller en fripe, que d’autres qui étaient dans la conso et qui sont contents de trouver de temps en temps un truc de marque, souligne Françoise. Et aussi des gens qui n’ont pas un rond, des mamans qui viennent avec trois ou quatre ados pour les habiller ». Sur plusieurs étages, le lieu propose aussi des ateliers tissage, broderie ou encore tricot, avec de la laine récupérée ou celle d’une bergère locale. Du linge de maison est vendu 7 euros le kilo ; de vieilles couvertures sont transformées en nouveaux objets par Françoise, Brigitte et Christine, qui se relaient pour faire vivre Fripso. Des artistes qui travaillent le textile sont exposés. Metteuse en scène, Françoise a également proposé des ateliers d’écriture autour de vêtements. « En ouvrant les cartons, je tombe sur des fringues qui racontent des choses, comme ce pantalon de travail rapiécé et encore rapiécé, par quelqu’un qui ne savait pas trop coudre… J’ai proposé aux gens d’écrire l’histoire de ces vêtements. »
Lisa Giachino
> Vous voulez ouvrir une friperie à destination des ados ? Vous pouvez contacter Fripso : fripsolidaire30@gmail.com