Les élèves de CAP et Bac Pro mode n’ont pas tous choisi d’être là. Mais qu’ils en fassent leur métier ou qu’ils bifurquent, des enseignantes leur font découvrir, par la pratique, l’impact de l’industrie textile.
Dans la salle d’atelier du lycée Brochier, à Marseille, une élève teste sur un mannequin le drapé d’une chemise dont elle a découpé l’une des manches. Une jeune fille crayonne pour affiner son projet. Un garçon explique à l’enseignante de technique professionnelle comment il compte tisser ses chutes de tissu. Pendant ce temps, Sarah repasse sa matière première. « On a collecté plein de chemises que les personnes n’utilisaient pas, explique-t-elle. On a essayé différentes sortes de tressage et de tissage avec des chutes, et créé des planches de tendance. Maintenant, on doit choisir un tissage et s’en servir pour transformer une chemise. » Afin d’obtenir leur diplôme, les jeunes devront présenter cette création, appelée « chef d’œuvre », à un jury.
Sarah n’a pas choisi de faire un CAP mode. « Après, je voudrais travailler avec les petits enfants », dit-elle. En attendant, même si elle n’en fera pas son métier, elle tire parti de sa formation pour sa vie personnelle. « J’achète moins de vêtements, je les jette moins. Je me dis que je pourrais en faire autre chose. »
C’est le cas dans toutes les classes de ce lycée professionnel : « Certains sont là parce qu’ils le voulaient, d’autres atterrissent ici par défaut, la couture était leur 3ème vœu, remarque Marjorie Lopez, professeure d’arts appliqués. D’autres encore voulaient peut-être au début, mais découvrent le travail technique, de la patience, la minutie… et se rendent compte que ce n’est pas là qu’ils voudraient travailler. Nous, on essaie de susciter, développer l’envie… » Et parfois, il y a de belles surprises.
Pelures d’oignons et grenades
Les projets de création sont l’occasion de proposer aux élèves une ouverture sur la production textile artisanale et écologique, ainsi que sur la réutilisation des matières. « On essaie de les sensibiliser à l’impact de leur futur métier », indique Marjorie Lopez. Il y a deux ans, des élèves de 2de Bac Pro ont ainsi expérimenté les teintures végétales, avec l’intervention de l’association marseillaise Maracuya. « On a collecté des pelures d’oignons et de grenades. Il fallait prendre le temps de fabriquer la teinture, mettre le mordant… Ils ont découvert toutes les nuances de couleurs qu’on pouvait obtenir. Le but était qu’ils comprennent que les teintures industrielles sont très polluantes, et qu’il y a des alternatives. Certains sont surpris et entrent dans une remise en cause de leurs pratiques. D’autres se sentent à mille lieues de ça. Il faut que ça fasse son cheminement. »
L’année dernière, les élèves de CAP ont « donné une seconde vie et une identité pluriculturelle à des uniformes de travail usagers » (lire ci-dessus). Il leur a d’abord fallu étudier le wax et l’indienne provençale, faire « un relevé graphique de ces différents vocabulaires formels et créer leurs propres motifs ». Chaque élève a ensuite vu l’un de ses motifs imprimé en format A3 et s’en est servi pour transformer son uniforme. « Cela leur apprend à travailler avec de petites quantités, comme quand on utilise des chutes de tissu », souligne Marjorie Lopez.
Les classes de CAP ont de petits effectifs, ce qui permet d’accompagner des élèves pas forcément à l’aise avec le système scolaire. « Ensuite, ils peuvent chercher du travail dans de petits ateliers de retouche, chez des tailleurs ou en production industrielle, ou bien prendre le temps de développer leurs compétences et continuer sur un Bac Pro. »
Lisa Giachino
« Je filme ma formation »
La classe de première année de BTS Métiers de la mode du lycée Brochier, à Marseille, a réalisé une vidéo de 3 minutes, dans le cadre du concours « Je filme ma formation ». Des élèves y expliquent en quoi consistent leurs cours et leur futur métier de modéliste. À faire circuler en cette période de choix d’orientation ! Ici !