Le 20 septembre sur France Inter, la célèbre émission « Le téléphone sonne » était consacrée à la vaccination. Ce soir-là, la liste des invités était exceptionnellement courte : il n’y en avait qu’un, en la personne d’Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale de l’État.
Le monsieur Vaccin de monsieur Macron était donc appelé, une heure durant et surtout sans contradicteur aucun, à prêcher la bonne parole aux millions de paires d’oreilles apparemment bouchées puisqu’il fallait leur répéter, pour la énième fois, qu’il était urgent d’aller se faire vacciner. Allez, arrêtez de réfléchir, hop, en route pour le vaccinodrôme !
L’affaire était déjà mal engagée pour la station publique dont la mission demeure – rappelons-le quand même parce que nous étions à deux doigts de l’oublier – d’informer les citoyen·nes, et non de servir de support de propagande à la politique gouvernementale. Il y aurait de quoi écrire des tartines sur cette émission, mais venons-en directement au fait le plus représentatif de la connivence assumée entre la présentatrice et l’homme-seringue du gouvernement…
Le coup d’éclat a eu lieu après que plusieurs auditeurs ont dit s’interroger sur la recommandation d’une troisième dose : pour qui ? Pour quoi ? Ce n’était pas prévu, si ? Combien d’autres suivront ? L’immunologiste en chef, et apprenti communicant appliqué, décide alors de reformuler ces interrogations : « Plutôt que de parler de “troisième dose”, (…) je préfère parler de “rappel”. » Sitôt énoncé, le nouvel élément de langage officiel fut adopté par la présentatrice d’Inter. Finie, l’expression « troisième dose », elle prit garde de ne plus parler que de « rappel ».
C’est sans doute plus pratique : ainsi, les éventuelles quatrième, cinquième, sixième doses porteront toutes le même nom, « rappel ». Un peu plus tôt dans l’émission, déjà, un auditeur s’était étonné du fait de devoir faire une seconde picouse, lui qui avait choisi le vaccin Janssen, censé être unidose. Mais là encore, les termes n’étaient pas les bons : il fallait plutôt parler d’un « prime boost hétérologue ». « “Prime boost”, ça veut simplement dire que la vaccination se fait avec deux doses », expliqua calmement mister Fischer, et « “hétérologue”, ça veut dire que pour faire ces deux injections, on utilise des vaccins différents ». Merci docteur. Naïfs que nous sommes, nous étions à deux doigts de dire que le vaccin unidose Jenssen nécessite en fait (au moins) deux doses dont (au moins) une avec un autre vaccin que le Jenssen. C’est vrai que ça fait nettement moins sérieux…
Et, surtout, ça laisserait penser que les « autorités » ne maîtrisent pas leurs vaccins si bien qu’elles ne le disent… Que tout ne serait pas parfaitement sous contrôle… Que le mystérieux « conseil de défense sanitaire » serait faillible… Quoi ?! L’âge de faire doute ?! L’âge de faire ose s’interroger ?! Serait-ce un journal complotiste ?! Antivax ?!!!
Dès lors que l’on parle des sujets sensibles du moment – en l’occurrence de la vaccination et du pass sanitaire –, ces accusations traînent toujours dans le coin, prêtes à sauter à la gorge du premier qui oserait ne pas adhérer pleinement et aveuglément à la ligne officielle. Contrairement à ce que nous pourrions penser, cela n’a d’ailleurs rien de vraiment nouveau. En 1943, dans un essai intitulé La liberté de la presse (1), Georges Orwell expliquait :
L’âge de faire refuse l’autocensure. Nous continuerons à parler librement de vaccination, de pass sanitaire, et même, car nous n’avons vraiment peur de rien, de pantalons !
Nicolas Bérard
1 – Cité dans La fin de la mégamachine, F. Scheidler, 2020.
Merci pour votre article, on se demande quand même comment interroger les rédactions, censées avoir plusieurs sources d’information et qui ne font que répéter les paroles du gouvernement… Plus aucun esprit critique ni aucune réflexion… Comment par ailleurs est-il possible que la majorité des gens, notamment ceux de la culture acceptent de se produire sachant la discrimination dont font l’objet tous ceux qui refusent de se soumettre à un qr code pour boire un coup ou aller dans une bilbliothèque… C’est très inquiétant…