Dorothée Magnan de Bornier fabrique des chaussures faites pour durer et qui pourront toujours être réparées. Une qualité qui fait le cœur de son travail d’artisan.
Des chaussures garanties « sans limite dans le temps ». C’est ce que confectionne et vend Dorothée Magnan de Bornier depuis bientôt dix ans, avec toujours la même passion. Elle n’était pourtant pas du tout partie vers un métier manuel. C’est d’abord le droit et l’histoire qu’elle a étudiés, en Espagne, grâce au programme Erasmus. Mais « je n’étais pas assez douée pour être chercheuse, pas destinée à l’enseignement, et clairement pas faite pour passer ma vie dans un bureau ». Mais alors, que faire ? Sa réorientation, elle la doit autant à une conseillère d’orientation qu’à sa petite chienne. « Quand j’étais étudiante, j’avais une chienne qui n’arrêtait pas de manger mes chaussures. Du coup, je les réparais sans cesse ». Avec les encouragements d’une conseillère d’orientation, elle s’inscrit finalement dans une formation de cordonnerie, à Lyon. Un an, en alternance, pour apprendre les techniques du métier, maîtriser les machines, confirmer que cette activité lui plaît, tout comme le fait de travailler avec ses mains. « C’est vrai que j’ai toujours aimé les travaux manuels. J’ai grandi dans le monde des chevaux, où on est toujours dehors à bricoler quelque chose, à réparer des licols, etc. »
Aujourd’hui, après avoir monté sa petite entreprise – Les Grolles de Calès (1) – en 2010, elle fabrique elle-même ses chaussures, de leur conception jusqu’à leur réalisation. « La confection d’une paire de grolles qui fait partie de mon catalogue – c’est à dire que j’ai déjà patronnée – me prend entre sept et dix heures, selon ma forme. Je répartis ces heures sur trois jours car il y a des temps de séchage à respecter. » Combien de temps met-elle pour inventer un nouveau modèle ? Pour le coup, elle est bien incapable de nous le dire : « Quand je patronne un nouveau modèle, le temps n’existe plus. Une idée trouble se forme dans mon cerveau, puis s’éclaircit toute seule, pendant des mois, sans que je cherche à en faire quoi que ce soit. Un beau jour, les astres sont alignés, et je les fabrique avec des chutes, à ma taille. Quand le prototype a une belle ligne, je le monte avec un beau cuir, à ma taille aussi, et elles sont pour moi et ma sœur – on fait la même pointure. Reste ensuite à le patronner dans toutes les tailles, et c’est parti ! »
« FABRIQUER DURABLE »
« Être artisan aujourd’hui, c’est fabriquer du durable avec des matières premières de qualité, dont je connais les fabricants et la provenance. Même si je paye mes cuirs plus cher, ils viennent de France ou des pays limitrophes. Et mes chaussures ne se contentent pas d’être jolies, elles sont solides, et vraiment faites pour être réparées, car nos poubelles sont déjà trop remplies. » C’est grâce à ce fonctionnement qu’elle peut garantir ses chaussures sans limite dans le temps : « Elles pourront toujours être réparées. » Cet aspect durable est l’une des choses qui plaisent à ses client·es. Beaucoup lui en parlent et saluent la démarche. Mais inévitablement, sur les marchés, que Dorothée fréquente pour vendre ses produits, on a aussi parfois affaire à des grincheux…
Ainsi, des gens lui reprochent parfois le prix trop élevé de ses produits (entre 100 et 300 euros). Elle leur explique alors que « c’est fabriqué en France par quelqu’un qui a envie de les fabriquer, et pas par un gamin à l’autre bout du monde, qui va pas tarder à se prendre un toit sur la gueule… Cela les surprend, mais certains s’arrêtent et on en parle. Peut-être que parfois on réveille une conscience ». Récemment, elle a encore refait la semelle d’une paire de chaussure vendue… sept ans plus tôt ! De quoi nouer une relation particulière avec les client·es. Parfois, elle tombe ainsi sur quelques surprises, comme cette photo envoyée sur les réseaux sociaux d’un cordonnier qui était en train de ressemeler une de ses créations… au Rajasthan !
Nicolas Bérard
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