La municipalité de Roquevaire a mis en place, il y a dix ans, une tarification sociale et solidaire de l’eau, permettant à chacun d’avoir accès, gratuitement, à un volume d’eau potable considéré comme un minimum vital. L’idée pourrait s’étendre à d’autres communes.
Cela fait maintenant dix ans que la commune de Roquevaire, dans les Bouches-du-Rhône, a établi la gratuité de « l’eau vitale » pour ses habitant·es (lire L’âdf n° 102). Le principe : chaque humain a un besoin irrépressible en eau potable pour survivre, il convient donc de lui en donner libre accès. Et ainsi, chaque foyer a droit à 30 mètres cubes de flotte gratuits (1), le conseil municipal considérant, à travers une délibération prise en décembre 2011, que « l’eau potable ne doit pas être une marchandise source de profits injustifiés, mais qu’elle est un bien commun de l’humanité ».
Les 120 mètres cubes suivants, considérés comme de « l’eau utile », sont payants, à un tarif relativement classique. Et au-delà, arrive « l’eau de confort », pour remplir sa piscine par exemple, pour laquelle le prix est nettement plus élevé.
En une petite décennie, ce système, qui était géré jusqu’en 2019 en régie directe, a fait ses preuves. Il a permis de rémunérer les cinq agents qui s’occupaient de la gestion des 92 kilomètres du réseau de distribution. Ils en ont amélioré la qualité par rapport à l’époque où il était géré par le privé, diminuant sensiblement les pertes liées aux fuites : en quelques années, le rendement est passé de 60 % à 76 %. La consommation globale d’eau potable n’a pas augmenté, elle a même légèrement baissé. Loin d’être un gouffre financier, cette tarification sociale et solidaire a au contraire permis de dégager des bénéfices qui ont abondé les comptes de la commune.
Bref, pour les 9 000 Roquevairois·es, ce fonctionnement ne présentait à peu près que des avantages. À moins, peut-être, d’avoir une piscine olympique au fond du jardin, mais dans ce cas, il est plutôt logique et sans doute pas insoutenable de payer un peu pour les autres. C’est même le principe d’une tarification solidaire.
Et puis, des décisions venues de loin – de Paris, pour être exact – ont contraint la municipalité à dissoudre sa régie. Au 1er janvier 2018, c’est en effet la métropole d’Aix-Marseille-Provence nouvellement créée qui hérite de la compétence de l’eau. Roquevaire est alors obligée de rejoindre l’une des régies de la grande métropole. Yves Mesnard, le maire de la commune, se sent « dépossédé » : « avant, je faisais ce que je voulais. Nous avions des excédents et comme, nous étions en régie directe, je pouvais les réintégrer sur mon budget principal. Maintenant, c’est fini », regrette-t-il.
« La démonstration que cette tarification fonctionne”
Mais peut-être jaillira-t-il quelque chose de très positif de tout cela. Roquevaire a en effet décidé de rejoindre le Sibam, Syndicat intercommunal du bassin minier, qui gère l’eau de 11 communes voisines (2). « C’est un choix qui s’est fait par rapport à l’histoire, car historiquement, nous avons toujours fait partie du bassin minier », précise Yves Mesnard.
Pour l’heure, les Roquevairois·es ont pu garder la tarification établie par son conseil municipal en 2011. Yves Mesnard entend non seulement la préserver aussi longtemps que possible, mais aussi l’étendre à tout le syndicat. C’est, selon lui, en très bonne voie. « Le maire de chaque commune fait partie du conseil d’administration du Sibam, explique-t-il. Il y a donc dans ce CA un peu toutes les tendances politiques, mais l’important, c’est qu’il y a aussi beaucoup de bon sens. Or, nous avons fait la démonstration, à Roquevaire, que cette tarification sociale et solidaire fonctionne. Sinon, il est clair qu’elle n’aurait aucune chance d’être étendue à tout le bassin. Là, ça devrait se faire, et ce serait une grande fierté pour nous. »
Maire de Cadolive et président du Sibam, Serge Perottino se montre plus prudent : « On est en train de mener des réflexions sur une uniformisation des tarifs, et il est vrai que cette tarification sociale est l’une des pistes étudiées. Mais je ne peux pas affirmer que c’est elle qui sera choisie : nous sommes douze communes, et nous avons l’habitude de travailler en synergie. Je ne peux pas, en tant que président, présager de ce qui sera décidé. » Le choix du Sibam sera probablement fait dans les mois à venir, avant septembre. Il ferait passer le nombre de bénéficiaires de l’eau vitale gratuite de 9 000 à plus de 63 000. L’idée, en tout cas, a déjà ruisselé.
Nicolas Bérard