La déshumanisation des services publics peut mettre n’importe qui dans la galère… N’importe qui, vraiment ? Oui, et on en a la preuve !
« À l’heure où les guichets se raréfient dans les services publics, où les bornes automatiques se multiplient, où les conseillers téléphoniques deviennent des répondeurs musicaux, la possibilité d’être écouté et pris en considération semble parfois un privilège. » Dans son rapport annuel, la Défenseure des droits fait état de sa principale préoccupation : l’accès de plus en plus laborieux aux services publics. En cause : leur numérisation.
Cette « dématérialisation » – que nous préférons nommer « déshumanisation » -, était pourtant censée rapprocher les administré·es de leurs services et faciliter l’accès à leurs droits. C’était du moins la promesse de ses promoteurs, dont le chef de file se trouve à l’Élysée, avec l’objectif affiché d’atteindre au plus vite des services publics 100 % numériques. Sur le papier, tout était réglé comme du papier à musique : on pourrait en quelques clics refaire son passeport, obtenir sa carte grise, faire sa demande de RSA ou renouveler sa carte de séjour.
Mais la partition se révèle bourrée de fausses notes. Qui n’a pas l’équipement approprié pour mener ses démarches, qui a du mal à se dépatouiller de formulaires administratifs, qui ne rentre pas dans les cases proposées… Les difficultés touchent en priorité les personnes âgées, mais pas que. Le rapport relève que les jeunes aussi peinent à parvenir au bout de leurs démarches. Au final, d’une façon générale, tout le monde est susceptible de s’arracher les cheveux, et sans pouvoir faire appel à un humain qualifié pour débloquer la situation.
« JE TIENS À LE DIRE AUX GENS !
Absolument tout le monde ? Oui ! Même Léa Salamé peut se retrouver en galère ! Alors que la Défenseure des droits était l’invitée de la matinale de France Inter, la célèbre présentatrice y est allée de son petit témoignage personnel, avec une inhabituelle révolte dans la voix : « Moi ça m’est arrivé, pour renouveler mon passeport. J’allais tous les jours, tous les jours, tous les jours sur le site pour essayer de prendre un rendez-vous, il n’y avait pas de rendez-vous. Hé bien il y a des rendez-vous qui se dégagent dans la nuit de dimanche à lundi à 5 heures du matin ! Voilà, je tiens à le dire aux gens ! Il faut dire les choses, et moi j’ai passé un mois à essayer d’avoir un rendez-vous jusqu’à ce que quelqu’un me dise “bah non c’est dans la nuit de dimanche à lundi” ! » Si même Léa Salamé, qui reçoit des ministres tous les quatre matins, a du mal à obtenir ses papiers d’identité, on imagine à peine le cauchemar pour Faouzia qui doit faire renouveler son titre de séjour…
Nicolas Bérard